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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 21.1866

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Nr. 1
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Delaborde, Henri: Des opinions de M. Taine sur l'art italien
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https://doi.org/10.11588/diglit.19278#0032

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26

GAZETTE DES BEAUX-A KTS.

travaux de Raphaël les preuves d’un goût exclusif pour la robuste vita-
lité du tronc et le bel emmanchement des membres; un autre jour, il
s’armera du souvenir de ces croquis que Léonard traçait dans les rues de
Milan d’après les hommes du peuple, pour attribuer au peintre de la
Cène la simple intention de copier de son mieux sur le mur les mêmes mo-
dèles, le simple dessein de faire figurer autour d’une table, « des Italiens
vigoureux que leurs passions vives portent à la mimique. » En revanche,
— reproche bien inattendu, à coup sûr, et trop peu mérité par le gra-
veur, — il accusera Morghen d’avoir, en traduisant la peinture du maître,
raffiné sur le sens de celle-ci, d’avoir, par exemple, donné à la tête du
Christ une expression «plus mélancolique et plus spiritualiste!» Et
M. Taine ajoute : « Probablement, le tableau de Léonard était, comme
ceux de Raphaël au Vatican, une peinture de la belle vie corporelle telle
que l’entendait la Renaissance. » Probablement! Prudent adverbe qui,
en rappelant les dégradations subies, sauvegarderait les intérêts de la
cause que l’on a entrepris de soutenir, si, malgré tant de dommages
matériels, ce qui a survécu de l’œuvre ne suffisait amplement pour faire
justice d’une aussi commode hypothèse. Laissons donc l’auteur du Voyage
en Italie à ses calculs rétrospectifs de probabilité devant la Cène, aussi
bien qu’à la certitude qu’il puise dans l’examen des Stanze et des Loges.
Ses efforts pour faire dire aux maîtres autre chose et moins que ce qu’ils
ont dit ne prévaudront pas contre l’évidence.

Quant aux conseils implicites que contiennent ces interprétations
des plus nobles monuments, des plus grands exemples du passé, quant à
l’influence que la doctrine même de M. Taine et les principes de sa cri-
tique pourraient exercer sur les artistes contemporains, qu’il nous soit
permis de dire que de ce côté non plus le danger n’est pas grand. Sup-
posera-t-on , en effet, que dans notre pays, parmi les descendants de
Poussin et de Lesueur, sous les regards de M. Ingres et au lendemain de
la mort de Flandrin, beaucoup d’hommes se rencontreront pour répudier
la meilleure part de leur héritage et les plus sûrs de leurs titres, pour
abjurer cette foi dans la souveraineté de l’esprit, ce dévouement à la
pensée qui depuis des siècles est le génie même de l’art national? Gom-
ment craindre que l’école française, que cette race de croyants s’il en
fut au par delà en matière d’art, consente à se laisser gagner par les
séductions du positivisme et se convertisse de gaieté de cœur à la religion
du fait? Pour la préserver des tentations de cette espèce, les avis de la
voix intérieure ne lui manqueront pas plus que les longues traditions.
Français ou non d’ailleurs, tout artiste sait bien que le secret du talent
ne consiste pas dans une abnégation aveugle, qu’il y a entre l’asservis-
 
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