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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 10.1874

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Nr. 1
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Gonse, Louis: Salon de 1874, [2]
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26

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

ment, et que le motif choisi nous irrite par son invraisemblance. — Au
milieu cl’une rue de village, dont les hauts pignons bondés de Prussiens
vomissent par toutes leurs ouvertures un feu meurtrier, un régiment de
cuirassiers, compacte et lancé à fond de train, s’avance de face, sous un
nuage de mitraille qui crève sur lui et le décime ; la colonne de fer,
étincelante et formidable, comme un long serpent aux écailles sonores,
pique droit sur le spectateur et semble se précipiter hors de la toile.
Au premier plan, en travers de la rue, des chariots amoncelés et
entrelacés forment une barrière infranchissable contre laquelle va se
briser, dans une mêlée épouvantable, ce torrent humain. Avant que
l’on ait pu songer à l’impossibilité de cette charge de cavalerie entre les
maisons, on est saisi d’une angoisse inexprimable, en songeant que
tous ces braves gens viennent s’écraser là, dans le cul-de-sac d’une
rue étroite; l’imagination entrevoit une cohue effarée et sanglante et
d’horribles mutilations. Il y a là un artifice d’effet, cherché à froid et
correctement, comme tout ce que fait M. Détaillé, qui dépasse la mesure ;
un régiment de cavalerie n’a pu commettre un acte de démence aussi
inutile. Les cuirassiers du maréchal Ney, à Waterloo, ont pu venir s’abî-
mer dans le chemin creux d’Ohain, sur le plateau de Mont-Saint-Jean :
ils n’auraient jamais eu l’idée de charger à travers les ruelles inconnues
d’un village. Ceux du maréchal de Mac-Mahon ont engraissé de leur sang
les champs de AVœrth et de Pieichshoffen, ils ont été héroïques jusqu’à la
folie : ils n’ont pu être insensés. Il se peut qu’il y ait dans cet épisode
un fond de vérité, mais il est précisé et développé au point de devenir
invraisemblable. Toutefois, si nous critiquons la donnée d’ensemble du
tableau, nous devons en louer les détails; le dessin et l'expression de
toutes ces figures sont d’une justesse ingénieuse; ce sont là de vrais
soldats, dans la fièvre et dans le feu de l’action.

M. Dupray, dont le début, en 1872, Une Grand'garde aux environs
de Paris, avait été fort remarqué, s’affirme aujourd’hui avec une indé-
niable originalité : la Visite aux avant-postes, appartient à cette caté-
gorie d’ouvrages qui vivent et surnagent au milieu de l’océan de la
production journalière. L’art de M. Dupray est simple en tout et d’une
bonhomie charmante. Il semble que sous sa brosse rapide le vrai naisse
sans effort et que l’effet jaillisse naturellement de sa simplicité même.
La scène se passe à la Croix-de-Flandre, au delà des remparts de Paris,
en décembre 1870. Après les grands froids de novembre il y eut comme
un faux dégel, le sol se détrempa sous la neige fondue, le ciel, gorgé
de pluie et de brouillards, s’abaissa et étendit, pendant plusieurs jours,
sur la terre, un humide et morne manteau. C’est par une de ces lamen-
 
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