Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 10.1874

DOI Heft:
Nr. 4
DOI Artikel:
Mantz, Paul: Exposition en faveur de l'œuvre des Alsaciens et Lorrains, 3: peinture
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.21839#0304

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
290

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

notre cher musée? D’être, çà et là, un peu incomplet et de ne pas nous
fournir, sur tel ou tel point de l’histoire de l’art, toutes les lumières
que peut réclamer une curiosité insatiable et légitime. Mais ce serait là
un regret plutôt qu’une critique; ce serait, si notre voix pouvait arriver
jusqu’à Versailles, une demande de crédit, un appel à l’insensible budget.
On a déjà vu, dans la nomenclature des artistes dont l’exposition du palais
Bourbon nous montre les œuvres, bien des noms qui manquent au
catalogue du Louvre. Le même fait va se reproduire pour l’école hol-
landaise. Et c’est précisément en cela que ces exhibitions d’œuvres d’art
sont instructives. Elles nous font voir des manières, sinon des styles, que
nous ne rencontrons pas tous les jours ; elles jetteilt un rayon sur des
personnalités insuffisamment connues, et elles nous permettent d’ap-
prendre notre métier, ce qui n’est pas une médiocre joie.

Le grand portraitiste hollandais Anton Mor, ou Antonio Moro, n’est
point ignoré des visiteurs du Louvre. Nous avons de lui le Nain cle Charles-
Quint} appuyant sa main gauche sur un chien gigantesque au collier bla-
sonné. Cette peinture, solide et forte, a droit à tous les respects; mais,
dans sa tournure purement italienne, elle pourrait faire prendre le change
sur le caractère véritable du talent de Moro. Il était d’Utrecht, comme on
le sait bien, et sa vie errante s’étant promenée en Espagne, en Angle-
terre, partout, il a pu perdre un peu l’accent natal et se révéler, en défi-
nitive, comme un Batave très-mélangé. Charles Blanc l’appelle le Titien
de la Hollande. Un autre critique reconnaîtra en lui un contemporain
d’Holbein, et si l’on se rappelle son séjour à Madrid, on pourra lui trou-
ver quelque rapport avec Coello. La vérité est que tous les courants du
xvie siècle se sont mêlés dans le verre où il buvait.

La personnalité de Moro n’en est pas moins très-forte. J’en prends à
témoin les deux panneaux exposés par Mme la comtesse Duchâtel, œuvres
maîtresses d’un homme qui mériterait une gloire meilleure. Ce sont des
volets détachés d’un triptyque. Dans le premier s’agenouillent un gentil-
homme et ses deux fils; dans le second, une femme fait dévotement sa
prière. C’est une demoiselle de noble maison, car son écusson — de
gueules à la tour d’or — affecte la forme d’un losange. Ces fiers portraits,
considérés comme révélation historique, montrent combien les âmes du
xvie siècle avaient gardé le sérieux des âges antérieurs. Le sentiment
d’une conviction absolue rayonne sur ces visages austères et passionnés,
et, ici, le peintre n’est pas moins convaincu que ses modèles. Les têtes,
en pleine lumière, ne cachent rien; les vêtements, strictement copiés sur
nature, allient la sobriété à la richesse; les colorations sont extrêmement
montées, mais elles n’ont rien de vénitien. Enfin, si l’on étudie le procédé
 
Annotationen