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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 10.1874

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Nr. 6
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Blanc, Charles: Considérations sur le costume: costumes historiques des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles; dessinés par E. Lechevallier-Chevignard ... avec un texte historique ... par Georges Duplessis
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https://doi.org/10.11588/diglit.21839#0582

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CONSIDÉRATIONS SUR LE COSTUME.

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D’autres, à l’exemple de M"'e Tallien, se promènent en sandales, ayant
des bagues aux doigts de leurs pieds nus.

A côté de ces merveilleuses passent, en les lorgnant, des petits-maî-
tres, façonnés au suprême bon ton, les Incroyables. Ils sont coiffés en
oreilles de chien, encravatés jusqu’aux lèvres ; ils ont la cocarde au cha-
peau et de grands revers à leur redingote et à leur gilet. Ils marchent,
d’un air hautain et dégagé, la culotte courte, le mollet accentué sous un
bas de soie, et ils sont tout prêts en apparence à jouer d’un bâton
noueux qu’ils tiennent à la main en guise de badine. Telle est la physio-
nomie extérieure de la fin du xviii® siècle, commencé sous Louis XIV !

C’est par les figures d’un incroyable et d’une merveilleuse que se
termine la dernière série des costumes français dans l’ouvrage de
MM. Chevignard et Duplessis. Je dis français parce que le second volume
est clos par un portrait en pied de Georges IV, représenté en prince de
Galles dans le costume complet d’un chevalier de l’ordre delà Jarretière:
bonnet de velours cn plumes, grand manteau de velours, collier d’or avec
le georges (saint Georges à cheval perçant le dragon), jarretière en
velours bleu avec une boucle d’or enchâssée de pierreries, et la
fameuse devise « Honny soit qui mal y pense ».

Pour en revenir à ce qui est de notre pays, les représentants du
peuple, dans la dernière année du siècle, s’habillent un peu à la romaine.
Ils se drapent dans une toge écarlate, prétendue grecque, agrafée sur
l’épaule et qui recouvre un habit bleu. Ils ceignent leur tête d’un turban
rouge, surmonté du bonnet carré des ecclésiastiques. C’est dans ce cos-
tume étrange que les surprend le 18 brumaire. Désormais les nœuds de
toutes les questions seront tranchées à coups de sabre. La France va deve-
nir un soldat, et son principal habit sera bientôt l’uniforme de l’Empire.

On le voit, il n’y a rien d’exagéré à dire que le costume, loin d’être
un objet d’observation frivole, est un signe certain des idées régnantes
et une sure indication du moral des sociétés. Selon nous, c’est un pro-
verbe irréfléchi qui a popularisé la formule « L’habit ne fait pas le moine »
le contraire nous semble beaucoup plus vrai. Il est naturel, en effet, que
l’homme, après avoir pris l’habitude d’attacher certaines idées à un
habit, ne puisse plus le revêtir sans se pénétrer des idées que cet habit
représente. J’estime donc, pour conclure, qu’il ne serait pas impossible
à un véritable philosophe d’écrire, en marge d’un livre qui serait l’his-
toire de tous les costumes, l’histoire universelle, à grands traits, des
pensées, des mœurs et des sentiments de l’humanité.

CHARLES BLANC.
 
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