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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 14.1876

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Nr. 4
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Champfleury: Céramique: les cinq violins de faïence
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https://doi.org/10.11588/diglit.21842#0378

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

35/j

Une eau torpide longeait la façade des maisons sans en consolider les
fondations, et des ponts en bois au-devant de chacune d’elles avaient
mérité à la rue Eâu-de-Robec le glorieux surnom de Venise de Rouen.
Une Venise sans Véronèse.

Un antiquaire distingué de la ville, M. Pottier, faisait tous les jours
son tour d’Eau-de-Robec, dans la crainte que quelque objet curieux, tiré
du dressoir d’un paysan, ne fût enlevé à sa ville natale par un des nom-
breux archéologues anglais qui choisissent volontiers la Normandie comme
lieu de résidence. Ce que l’érudit normand trouva sous les entassements
des friperies de la rue Eau de-Robec, on en a une idée par les richesses
de son cabinet, devenu aujourd’hui propriété municipale.

Ue bourgeois en question semblait le plus grand musard de la créa-
tion ; son œil ne musait pas. U’homme était, au contraire, un Don Qui-
chotte de la curiosité. En apparence indolent, timide, ballant, songeur,
quand, à l’intérieur, d’actives facultés se démenaient, qui émoustillaient
l’induction, réveillaient le flair et se résumaient par : — Aujourd’hui, tu
dois trouver telle pièce intéressante, dans tel endroit.

On naît dénicheur de choses rares. Mais le bourgeois de Rouen avait
trouvé un maître, aussi habile que l’abbé Paramel à découvrir des
sources. Celui-là s’appelait Sauvageot. Ue Normand et le Parisien se com-
prenaient et se voyaient de temps à autre pour se conter leurs trouvailles
et s’enflammer réciproquement au récit de leurs découvertes. Amitié
dangereuse. Quand Sauvageot venait à Rouen, c’était au bras de son ami
Pottier qu’il visitait la rue Eau-de-Robec. Promenades pleines de
traquenards.

11 ne faut pas trop longtemps regarder une même chose ; le sens
particulier aux observateurs s’y émousse. Ce fut dans un parcours du
quartier vénitien-normand que Sauvageot, arrivant avec sa fraîcheur de
regard, remarqua dans la rue Eau-de-Robec, au-dessus d’une armoire
de fripier, le bout d’un enroulement émaillé bizarre.

Pas un geste, pas un clin d’œil, pas un mot. Sous un prétexte quel-
conque, Sauvageot quitte son compagnon, revient à pas de loup chez le
fripier, et découvre que cet enroulement est le manche d’un violon de
faïence.

Je ne dirai pas quels serrements de cœur, quels saignements plutôt
cette découverte détermina chez le Normand. J’ai détaillé ces ulcérations
dans un conte dont le thème m’était fourni par la victime elle-même,
alors qu’elle ne possédait pas le merveilleux instrument qu’on voit
aujourd’hui au Musée de Rouen.

Sauvageot, voyant le chagrin de son ami, lui promit, en souvenir de
 
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