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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 14.1876

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Nr. 6
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Lefort, Paul: Francisco Goya, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.21842#0546

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510

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

soit que cette mansuétude n’inspirât qu’une faible confiance à l’artiste,
soit qu’elle fût insuffisante à détourner de lui les tracasseries et les ran-
cunes des ultras, ou soit encore que le vide opéré dans le cercle de ses
plus chères amitiés par les persécutions religieuses et politiques lui
rendit le séjour de Madrid insupportable, Goya demanda un congé et
vint en France. Après une courte apparition à Paris, il alla se fixer à
Bordeaux, au milieu d’une véritable colonie de proscrits. Goya ne savait
rester inactif. A Bordeaux, comme à Madrid, il dessina, il grava, il pei-
gnit sans cesse. Des sujets de genre, de curieuses miniatures lavées
sur des plaques d’ivoire, mais traitées par taches sommaires et presque
à la manière de l’aquarelle, des portraits de ses compagnons d’exil et
de quelques amis de Bordeaux, entre autres ceux de Moratin, de Don Juan
Maguire, de Pio de Molina et de M. J. Galos, datent de cette époque.
Goya reprit également les essais de lithographie qu’il avait déjà précé-
demment tentés à Madrid. Les quatre grandes pièces représentant des
Courses de taureaux, que Eugène Delacroix admirait tant et qui sont des
chefs-d’œuvre de couleur et de mouvement, ont été exécutées, en même
temps que le Portrait de M. Gaulon et une Scène de duel, en l’an-
née 1825. Goya allait atteindre sa quatre-vingtième année!

En 1827, Goya dut refaire le voyage de Madrid pour solliciter une
prolongation de son congé. Ferdinand l’accorda en y mettant pour condi-
tion qu’avant de quitter de nouveau l’Espagne, Goya se laisserait peindre
par Vicente Lopez, alors pintor de camara. C’est ce portrait qui figure
aujourd’hui au musée de Madrid et dont la Gazette a donné une
habile et fidèle reproduction à l’eau-forte par M. Lalauze '.

Cette même année Goya revint à Bordeaux; il y reprit ses chères
habitudes. Quoique ses mains tremblassent et qu’il ne vit qu’à l’aide
d’une forte loupe, il dessinait et peignait encore. Mais ses forces s’en
allaient. Lui-même sentit approcher sa fin. 11 fit mander son fils Xavier,
demeuré à Madrid et quelques jours après, le 15 avril 1828, il s’éteignait
dans les bras de ses amis. 11 était âgé de quatre-vingt-deux ans et quinze
jours. « Dans la tombe de Goya, dit Théophile Gautier, est enterré l’an-
« cien art espagnol, le monde à jamais disparu des toreros, des majos,
« des manolas, des contrebandiers, des voleurs, des alguazilset des sor-
k cières, toute la couleur locale de la Péninsule. Il est venu à temps
« pour recueillir et fixer tout cela. Il a cru ne faire que des caprices, il
« a fait le portrait et l’histoire de la vieille Espagne, tout en croyant
« servir les idées et les croyances nouvelles. »

PAUL LEFORT.

1. Ce portrait a été publié dans le numéro de décembre 1875.
 
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