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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 2
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Lefort, Paul: Velazquez, 4
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0134

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

ce qu’il peint. Imiter ce qui est, exprimer simplement des sensations
simples et justes, tels sont strictement et son idéal et son but. Est-il
besoin d’ajouter que son exécution, admirablement appropriée à son
principe, répond à la simplicité de cet idéal, en restant toujours natu-
relle, familière et, surtout, profondément physionomique?

Entre les éblouissants spectacles de Rubens, se déroulant dans un style
mouvementé, grandiose, parfois emphatique jusqu’à l’hyperbole, peu-
plés de personnages de vie exubérante, aux grands gestes, violents ou
tragiques et formulés tout en expressions superlatives, essayez donc de
trouver une parenté, une analogie quelconque, même la plus lointaine,
avec l’art fait uniquement de pénétration, de conscience et d’observa-
tion de ce peintre sans manière, impartial et impassible devant ses
modèles, assez amoureux pourtant de ce qu’il peint pour l’exprimer tout
uniment comme une chose qui n’étonne plus, qui sait nous prendre et
nous convaincre rien qu’à l’aide de son admirable sincérité, en nous fai-
sant si bien croire à ce qu’il nous montre!

Caractère, méthode, procédés, manœuvre de la brosse, palette, tout
diffère donc absolument entre ces deux virtuoses de la couleur, assuré-
ment des plus grands tous deux, mais du moins chacun à sa manière.
Autant le peintre de Philippe IV aime et recherche les harmonies dis-
crètes, reposées, subordonnant toujours le détail à des ensembles et
l’intérêt des choses à leur véritable importance ou au plan qu’elles
occupent, autant Rubens vise et s’attache au faste, à la pompe et à l’effet
du décor. Où voit-on dans les tonalités de Velâzquez, s’appuyant, mo-
dulant presque toujours sur des gris, des bruns ou des noirs, rien qui rap-
pelle la richesse, la sonorité, la splendeur des arabesques tout en lumière
et tout en éclat du maître d’Anvers? Lui a-t-il emprunté ses couleurs
dominantes, ses bleus froids, ses jaunes épaissis, ses grands rouges?
Emploie-t-il seulement ses tons de chair, clairs, nacrés, luisants, bleuis
d'outremer dans les demi-teintes et réchauffés en excès de touches de
vermillon pur dans les reflets? Il n’en est rien. Que si l’on compare leurs
méthodes, on a bientôt fait de se rendre compte que ce qui est don
natif, originalité, pénétration de l’œil et instinct pur de peintre chez
Velâzquez n’est le plus souvent chez Rubens que système, habitude,
parti pris. En vérité, loin qu’ils se rapprochent, tout est plutôt contraste
et absolue dissemblance entre cette fécondité «qui se soulageait — dit
M. H. Taine — en créant des mondes », produisant sans cesse, sans
effort, « tout comme l’arbre produit ses fruits », si bien servie du reste
par une incomparable dextérité de main et l’emploi d’une pratique auda-
cieusement expéditive et facile, mais qui paraît toujours si magistrale et
 
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