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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 2
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Chantelou, Paul Fréart de; Lalanne, Ludovic [Editor]: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [11]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0198

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JOURNAL DU VOYAGE DU CAVALIER BERNIN EN FRANCE. 187

tir, qu’il n’avait pas pensé à recevoir cette grâce, ni l’avoir demandée, ni
même souhaitée. Le Cavalier a reparti : Che haveva un grande mezzo apresso
il Rel 2, et, ayant répété cela encore une fois, il a dit que c’était son mérite.
M. Colbert lui a répliqué qu’il en avait un plus grand; que lui, à la vérité,
servait Sa Majesté dans un emploi où il y avait eu de la peine au commence-
ment, pource que tous ceux qui y avaient travaillé s’étaient toujours étudiés à
l’embrouiller, mais qu’elle est si facile qu’il serait fâché qu’elle l’eût occupé
tout un jour de la semaine; qu’il y avait nombre de personnes en France qui
la pouvaient faire aussi bien que lui, mais qu’il n’y avait à présent que le
Cavalier capable des grandes choses que le Roi avait dans l’esprit ; qu’il sem-
blait qu’ils fussent faits l’un pour l’autre, et que cela le devait convier, et
pour l’amour de lui-même, à demeurer ici afin de les exécuter. Le Cavalier a
reparti que ce serait plutôt pour l’amour du Roi, si cela se pouvait, pouf ce
que cet amour était si grand qu’il remarquait qu’il ne pouvait, le matin,
demeurer demi-heure à prier Dieu à l’église sans être appuyé, et qu’il
demeurait, sans sentir d’êire las, cinq heures de suite, debout, attaché au
travail, agitant ses bras et son corps à manier le ciseau et le marteau ; que
c’était l’amour qui faisait cela, mais que les ouvrages qu’il a commencés à
Rome ne pouvaient pas permettre qu’il reste ici; a répété, ce qu’il a dit à
toute autre rencontre, qu’il avait assuré le Pape que pour tout le mois d’août
ils n’avaient point besoin de sa présence, son frère suffisant pour les conduire;
que Sa Majesté lui ayant demandé son portrait, il avait cru qu’il ne devait
pas le refuser et avait pensé qu’avec deux aulres mois il le finirait; que pour
cela il avait demandé à Sa Majesté vingt jours de son temps à une ou deux
heures par jour; qu’il était homme qui voulait toujours faire plus qu’il ne
disait, et qu’on en verrait la preuve; que s’en étant retourné à Rome pour y
achever ses ouvrages, il pourrait bien revenir. Après cela, M. Colbert lui a dit
qu’il fallait commencer à donner ordre à l’exécution du Louvre ; qu’il s’en
allait le voir au palais Mazarin pour disposer ce qu’il y avait à faire sur cela.
Le Cavalier a pris congé, et M. Colbert l’a quitté à la porte de son cabinet, lui
disant qu’il ne le traitait pas avec cérémonie.

S’en étant revenu à l’hôtel Mazarin, M. Colbert peu de temps après s’y est
rendu, a témoigné d’abord d’êire étonné de voir le buste si avancé. Il a dit
que le Roi n’était point venu la semaine passée à cause des eaux que Sa
Majesté avait prises, mais que demain Elle viendrait. L’on est demeuré en
discours ordinaires quelque temps. Après, M. Colbert m’ayant dit qu’il avait
mandé mon frère et M. Madiot*, que je visse s’ils étaient venus, j’ai passé dans
l’antichambre, où je les ai attendus, m’entretenant avec M. de la Motte 3,
MM. Perrault, Mazières et Bergeron 4. Un des garçons du Cavalier étant resté
dans le lieu où M. Colbert et le Cavalier étaient, ou l’a fait sortir, de sorte
qu’ils sont demeurés seuls, M. Colbert, le Cavalier et son (ils, environ de
demi-heure. Étant ressortis et M. Colbert ayant vu mon frère et M. Madiot, il

1. « Qu’il avait un grand appui auprès du Roi. »

2. Voyez plus loin, p. 189 ce que Cliantelou dit à Bernin do ce personnage.

3. L’intendant des bâtiments du Roi, dont il a déjà, été question.

4. Mazières, l’un des entrepreneurs du Louvre. — Antoine Bergeron, juré des maçonneries
du Roi.
 
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