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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 4
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Chantelou, Paul Fréart de; Lalanne, Ludovic [Editor]: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [12]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0399

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JOURNAL DU VOYAGE DU CAVALIER BERNIN EN FRANCE. 381

bien que M. le Nonce et le Cavalier en ont été fort touchés. Quand ils ont été
tous sortis, nous avons été aux Feuillants, et puis à la promenade le long de
l’eau. Le Cavalier m’a dit que c’était la cinquième fois que le Roi était venu,
qu’il ne lui en fallait plus qu’autant. Le soir, j’ai été au souper du Roi, qui,
parlant d’ûn borgne, a dit en italien : F cieco d’un occhio'. Monsieur m’a
demandé s’il n’y avait point autre parole. J’ai dit que guercio était le mot
propre. Sa Majesté a dit en raillant : « Cbanteloup sait la délicatesse de la
langue; celte après-dînée, il a voulu parler en beaux termes. » J’ai reparti que
je ne m’étudiais qu’à me faire entendre au Cavalier. Le Roi m’a dit à son
sujet : « 11 ne loue pas beaucoup de choses. » J’ai reparti : « Sire, il ne blâme
rien aussi, n’ayant pas encore vu ce qui mérite d’être loué, pour ce qu’il a
toujours travaillé depuis qu’il est en France. » Sa Majesté m’a demandé ce
qu’il a dit de Vincennes. J’ai dit qu’il l’avait trouvé fort beau, et que, comme
il était tard quand il y fut, il m’avait dit qu’il faudrait y retourner. J’ai après
demandé au Roi à qui je donnerais ces mémoires de M. le Légat. 11 m’a dit à
M. de Niert2, et les lui suis allé porter. En les lui baillant, il m’a demandé s’il
était vrai que le Cavalier eût dit le jour que le Roi fut saigné, et voyant les
chambres de son appartement : Non ci sono qui slanze per uomini3. Je lui ai
reparti que ce qu’il avait dit de cet appartement avait été mal entendu ou
corrompu pour rendre mauvais office au Cavalier.

Le quatrième, l’abbé Butti étant venu à l’hôtel Mazarin, je lui ai conté.ce
que le Roi m’avait dit du Cavalier, le jour précédent, afin qu’il l’en avertît et
qu’il se rendît plus facile à voir les choses et les louer. L’abbé a dit que
c’était Le Brun qui était auteur de ce bruit, à cause que le Cavalier ne louait
pas ses ouvrages, qui en effet ne valent rien et ne le méritent pas, et qu’il
peint comme un Flamand. Je lui ai reparti qu’au moins ne pouvait-on lui ôter
qu’il n’ait beaucoup d’invention. « Cette invention, a-t-il répliqué, n’est tirée
que des dessins de Jabac. 11 y a à Rome un Carluccio4 qui est bien un autre
peintre. » Durant ce discours, le Roi est venu, n’ayant avec lui que M. d’Ar-
magnac et M. de Gesvres. M. de Bellingham est venu un peu après, et M. le
milord MontaiguB. Le Cavalier, continuant de travailler à la bouche, a dit
d«e, pour réussir dans un portrait, il faut prendre un acte et tâcher à le bien

éd. de 1711, t. III. p. 197). L’abbé Butti (comme on le verra plus loin à la date du 4 sep-
tembre) confirme le dire de Saint-Évremond. Quant à ce Luigi qui ne vivait plus en 1(165 et
que le même Saint-Évremond proclamait « le premier homme de l’univers en son art », il ne
figure pas, du moins sous ce nom de Luigi, qui n’est probablement que son prénom, dans le
Dictionnaire des musiciens, de l'étis. INicolas de Sainctot, maître des ceremonies, puis intro-
ducteur des ambassadeurs, mort en juin 1713 à quatre-vingt-un ans. — Son frère Étienne,
conseiller-clerc au parlement de Paris, abbé de Ferrières (1669), prieur de Saint-André de
Vienne, mort en 1709.

1. « Il est aveugle d’un œil. »

2. Louis de Niert, premier valet de chambre du Roi.

3. « Ce ne sont pas ici des chambres pour des hommes. » Voyez plus haut, à la date du
23 août.

4. Je n’ai rien trouvé sur cet artiste. Carluccio n’est probablement qu’un surnom.

5. C’est l’abbé dont il a été question plus haut, à la date du 5 août in fine, et que l’on
appelait indifféremment milord ou abbé de Montaigu.
 
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