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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 4
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Chantelou, Paul Fréart de; Lalanne, Ludovic [Hrsg.]: Journal du voyage du cavalier Bernin en France, [12]
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0402

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384

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

barin; qu’ici, à qui ferait le meilleur dessin, le prix devait être de lui faire
faire un tableau de ce dessin même et le payer grassement ; parmi les sculp-
teurs, à qui ferait le meilleur modèle, lui faire faire une statue pour le
Louvre et la bien payer. Il a dit ensuite qu’ayant opéré près de soixante ans,
il pouvait donner quelques avis. Je lui ai répondu qu’il était vrai et qu’un
homme de son esprit et de son expérience, qui parlerait de bonne foi, porte-
rait plus de profit en une heure d’instruction que ne feraient des années
entières de recherches et d’études. M. Le Brun étant arrivé dans ce même
temps, le Cavalier Ta salué avec courtoisie, et a continué de dire qu’il y a
trois choses pour bien réussir en sculpture et en peinture : voir le beau de
bonne heure et s’y habituer, opérer beaucoup et avoir de bons conseils, pour
ce qu’un homme qui avait beaucoup travaillé pouvait avec fort peu de paroles
épargner beaucoup de peine, donner des radresses1 et des chemins raccour-
cis ; a répété qu’Annibal Garrache voulait qu’on exposât à la censure publique
un tableau aussitôt qu’il était fait; que le public ne se trompait pas et ne
flattait point, qu’il ne manquait jamais de dire : « Il est sec, il est dur »,
lorsqu’il Tétait, et ainsi du reste. Il a dit au surplus qu’il fallait qu’un chacun
corrigeât le défectueux qui est en lui par son contraire, le court par le trop
svelte, le mesquin et faible par le gros et matériel, le trop égayé2 par le
court. On lui a après montré le Crucifix de Sarraziu, qu’il a considéré, et
puis a dit qu’il était beau, mais qu’il était fait de la sorte qu’on s’imagine
qu’un corps se laisse aller dans un semblable supplice ; qu’on apprend de
l’Écriture qu’on avait tiré le corps de Notre-Sêigneur avec des cordes pour le
faire étendre3; ainsi que le corps ne pouvait pas^ se laisser aller comme Ton
voit dans ce crucifix.

Il est ensuite repassé dans le lieu où sont les modèles, a vu les dessins de
deux ou trois, académiciens, entre autres d’un jeune garçon de dix à douze
ans, qu’il a trouvé fort avancé. II m’a dit, à moi, tout bas, qu’il ne fallait pas
étudier Tété à la lumière de la lampe, à cause du chaud, mais à celle du
jour.

Après, il a pris congé de toute l’Académie, qui a descendu pour le
reconduire, et avec les autres MM. du Metz et Perrault, qui étaient arrivés
depuis.

Le sixième, j’ai été du bon matin chez le Cavalier. Il avait néanmoins déjà
entendu la messe. Il m’a dit d’abord qu’il était jour de congrégation4, mais
que jusques à présent il n’avait encore pu savoir si M. Colbert viendrait le
matin où Taprès-dînée, ce qui l’empêchait de prendre ses mesures pour des
affaires qu’il avait; qu’il était en attendant sans pouvoir rien faire. Sur cela, il
a appelé son homme et lui a demandé sa casaque avec laquelle il travaille et

1. Radresse, redressement.

2. Égayé, élancé. Je n’ai trouvé dans aucun dictionnaire ce mot avec le sens que paraît
lui donner Bernin. et je ne sais s’il y a ici une faute de copiste.

3. Cette critique est pou fondée, car je ne sais où Bernin à trouvé la mention de ces
cordes, dont ne parle aucun des quatre Évangélistes.

4. Jour de conseil.
 
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