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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 5
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Gonse, Louis: Eugène Fromentin, 6: peintre et écrivain
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

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dront la tâche plus facile qu’à d’autres. Et si cela suffisait pour me conserver une
estime si vite acquise, croyez, madame, que je serai moins embarrassé de ma per-
sonne le jour où j’aurai l’honneur de vous voir.

Ce sera sans doute à Paris, puisque vous voulez bien m’y inviter et que bientôt
j’y serai moi-même de retour.

Je ne saurais vous dire assez tout ce qu’un pareil accueil a d’inattendu, d’inesti-
mable pour moi. J’en profiterai, madame, croyez-Ie bien, comme je pourrai, comme
je le devrai, c’est-à-dire très humblement et avec le sentiment profond de tout ce
que je vous dois.

Je ne crois pas qu’on parle beaucoup de mon livre à Paris. Du moins, si l’on en
parle dans un certain monde, si le livre se vend, ce que j’ignore et ce qui regarde
Lévy, je ne vois pas qu’il en soit encore beaucoup question dans la presse. Je n’ai lu
qu’un article très bienveillant de Th. Gautier dans l'Artiste.

Eug. Fuomêntin.

Nohant, 12 décembre 1858.

Monsieur,

Charles Edmond me demande, un peu de votre part peut-être, si je suis contente
du Sahel. Je n’en suis pas contente, j’en suis enthousiaste. J'avais déjà écrit à M. Buloz
pour lui en dire mon avis et lui faire compliment de sa bonne fortune. Je vis si loin
de tout, que je ne sais pas si vous avez le succès que vous méritez, et j’avais
bien envie de faire un article sur ce chef-d’œuvre. Mais je crains de vous faire plus
de tort que de bien, et de vous donner pour ennemis littéraires tous ceux que j’ai
moi-méme. D’ailleurs, vous n’avez pas besoin d’aide. Quiconque sait lire et com-
prendre doit apprécier un talent hors ligne, qui se manifeste avec tant de modestie,
d’élévation et de véritable couleur. Car, vous avez beau dire, vous êtes en littérature
un grand peintre de localité, et je ne suis pas absolument de votre avis que la Seine
ne soit qu’un fleuve. Tant mieux doncsi votre instinct vous entraîne à particulariser.
Suivez-le, il est si puissant et si beau ! Ici je ne vous parle pas peinture. Je n’ai rien
vu de vous en fait de peinture au pinceau. Mais votre œil est si bien doué, et le style
est une forme que vous maniez avec tant de maestria (grandeur et habileté mariées
ensemble), que je vois ce que vous voyez et je sens ce que vous sentez, absolument
comme vous-même, j’ose le dire. Ceci est un résultat prodigieux que vous savez
obtenir et dont tout l’honneur vous revient. J’ai vu l’Afrique à présent; je m’v pro-
mène, j’y respire. Je connais les figures qui la remplissent, je sais l’odeur des bois et
la couleur de l’immensité, et tous ceux qui vous lisent doivent être aussi éclairés que
moi de ce rayon de vérité et de vie que vous savez faire luire pour les autres comme
vous l’avez reçu.

Ce qui m’enchante, c’est un progrès très grand et très sensible du Sahara au
Sahel. Nous avons dévoré cela en famille, à trois, mon fils, mon ami artiste qui vit
avec nous et moi qui ne les influençais pas, car chacun avait lu le Sahara de son côté,
et je vous assure qu’il y a un petit coin du monde où l’on vous apprécie comme vous
le méritez, c’est chez nous.

Gnonge Sand.

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