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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

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Nr. 6
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Chennevières-Pointel, Charles Philippe de: Le salon de 1880, 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0524

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502

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

jusqu’au fond du cœur. — Et dire qu’un tel homme, de valeur si extra-
ordinaire, parce qu’il est lui-même et vit sur les hauteurs, en est réduit,
pour occuper dans sa pleine maturité les loisirs qui lui sont faits, après
ses vastes et admirables compositions du Musée d’Amiens, après celles
de l’escalier du Musée de Marseille, après la muraille de la basilique de
Sainte-Geneviève, acclamée par tous les artistes, en est réduit à se com-
mander à lui-même ces « lanceurs de piques » destinés dans sa pensée
à compléter sa décoration de l’escalier d’Amiens! La France compte-
t-elle donc tant de Puvis de Chavannes? et le Louvre n’a-t-il donc plus
d’escaliers monumentaux, et l’Hôtel de Ville n’en a-t-il donc pas prévu,
pour lesquels ce serait une fortune rare de se prêter aux combinaisons
de cet incomparable décorateur.

Les poètes, les poètes, ceux qui nous donnent en peinture la sensation
d’un esprit distingué et cultivé, ceux qui élèvent nos cœurs et aiguisent nos
pensées, ils sont aujourd’hui si clairsemés dans l’école, vouée désormais,
semble-t-il, aux inspirations les plus banales et les plus grossières, qu’ils
m’attirent tout d’abord, je l’avoue, car toute vraie œuvre d’art est œuvre
de haute recherche et qui doit porter en soi la qualité d’une pierre pré-
cieuse. Je me souviens que, quand on proposa à Gustave Moreau de vouloir
bien se charger de la chapelle de la Vierge au Panthéon, il me répondit :
« Non, je me croisplus utile à une autre tâche; je veux rester peintre de
tableaux. » Mon regret fut grand, il dure encore, et je m’imagine tou-
jours que cette chapelle, pour laquelle nul programme n’avait été imposé
à l’artiste, placée en regard de celle où même liberté avait été laissée au
génie de J.-F. Millet, aurait vu naître dans son isolement des ingénio-
sités mystiques et délicieuses qui n’auraient pas été un des moindres
attraits du décor de ce monument. Cependant, quand je vois au Salon des
tableaux tels que la Galatée et que Y Hélène, je comprends mieux ce que
Moreau voulait dire, et quel service il rend à l’école française en mon-
trant aux artistes quelle intensité de sentiment il convient d’apporter dans
la création d’une figure, et quelle étude minutieuse dans le choix des
accessoires qui l’expliquent. Cette adorable Galatée aux lignes si pures,
au ton si doux, livrée, durant le rêve souriant de son sommeil, à l’œil
de Polyphème qui la contemple à travers tout ce que la flore terrestre et
marine a pu rassembler, comme lit de la nymphe, de plantes aux formes
bizarres et aux couleurs d’harmonie profonde, cette Galatée sera dans
l’avenir l’orgueil de quelque Louvre. — Quant à l’Hélène promenant sa
mélancolique et fatale beauté sur ces murs de Troie dont les fossés sont
comblés par les entassements des nobles cadavres de héros morts pour
elle, sorte de statue du destin ému de ses involontaires ravages, je ne
 
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