Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 21.1880

DOI Heft:
Nr. 6
DOI Artikel:
Rayet, Olivier: La sculpture au Salon
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.22841#0558

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
LA SCULPTURE AU SALON.

535

tellectuelle qui lui apprendrait à n’en faire qu’un emploi raisonnable. Il
prend au mot la devise de Jacques Cœur : « A cueurs vaillants riens im-
possible » ; il ne recule devant aucun danger et se lance sans hésiter
dans les plus scabreuses entreprises. Le sculpteur, lui, n’a point d’ailes;
il ne peut prendre la volée, mais il ne peut non plus retomber à terre,
meurtri et piteux. — En second lieu, sur la toile, l’improvisation, l’é-
bauche n’ont rien qui choque nécessairement, et peuvent même avoir
des charmes primesautiers, des séductions inattendues. A quoi bon dès
lors réfléchir, étudier, corriger? Pourquoi ne pas s’en remettre au hasard
du premier jet? Sur le marbre ou le bronze, c’est autre chose: l’imagi-
nation ne tient pas lieu de tout, et l’à-peu-près n’est pas supportable;
pour la moindre figure, il faut chercher patiemment, travailler pendant des
mois. — Enfin, la peinture a trop d’amateurs et se vend trop cher. Com-
ment résister au désir de produire vite, lorsqu’il est si facile de gagner
de l’argent, et que le boursicotier qui se compose une galerie ne tien-
drait nul compte d’efforts plus patients? Pour le sculpteur, au contraire,
après la difficulté du travail vient la difficulté de la vente: l’État, amateur
exigeant et piètre payeur, est son principal espoir, et il obtiendra sou-
vent moins d’un marbre qui représente le travail d’une année que son
voisin le peintre d’un portrait brossé en quinze jours. Quelque talent
qu’il ait, quelque peine qu’il se donne, nul espoir pour lui d’avoir jamais
sa voiture et son hôtel. Aussi ceux-là seuls s’adonnent à ce dur et ingrat
métier dans l’âme desquels brûle le feu sacré : les avides et les char-
latans vont ailleurs.

Cette supériorité artistique et, je dirai plus, morale de notre école de
sculpture est pourtant cette année moins frappante pour la masse du
public. Il n’y a pas cette fois, dans le hall du Palais de l’Industrie, de
ces œuvres qui s’imposent dèslepremier coup d’œil à l’admiration de tous,
comme étaient le Gloria Victis de Mercié, ou la Jeunesse de Chapu, ou le
Courage et la Charité de Dubois. Mais ce n’est pas, les journaux nous
l’ont répété cent fois, d’après l’éclat de l’état-major qu’il faut juger
l’armée; l’instruction et la cohésion de la troupe sont de bien autre im-
portance. Examiné d’après ces principes, le Salon laisse, au contraire,
une impression très rassurante : jamais la marche n’a été plus régulière
et les rangs plus serrés. Et cela est d’autant plus remarquable que c’est
sous la conduite d’officiers inférieurs et même de recrues d’hier que
s’avance la colonne : parmi les généraux que nous étions habitués à
voir à sa tête, les uns sont restés sous leur tente, les autres ne montrent
point cette fois leur ardeur et leur habileté ordinaires.

M. Guillaume, en qui la génération actuelle salue avec respect un de
 
Annotationen