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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2. Pér. 34.1886

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Nr. 3
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Durand-Gréville, Émile: L' art aux États-Unis: correspondance d'Amérique
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https://doi.org/10.11588/diglit.19428#0277

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GAZETTE DES BEAUX-AIITS.

264

scène; niais la décoration de cette salle, exécutée par M. Francis Lathrop, un des
décorateurs les plus en renom de New-York, est vraiment d’un excellent effet par
la douce harmonie des couleurs. Les ors, par exemple, y sont d’une discrétion
rare, brillants et doux, semblables à l’or d’un laque japonais.

Par une singulière bizarrerie, les Américains n’avaient jamais eu, jusqu’à
l’année dernière, d’opéra national, c’est-à-dire de troupe chantant en anglais.
Nous avons assisté cet hiver aux débuts de V Opéra américain, qui ont été d’un
éclat extraordinaire. Pendant que la troupe allemande jouait le Tannhauser, les
Maîtres chanteurs, la Vallcyrie, le Faust de Gounod, la Reine de Saba de Goldmark,
la troupe américaine jouait Orphée, la Flûte enchantée, les Noces de Jeannette,
Sylvia, Lakmé, le Vaisseau Fantôme, Lohengrin. La troupe allemande avait à sa
tête une cantatrice de premier ordre, M"e Lili Lehmann, qui a chanté en Alle-
magne sous la direction de Wagner ; Y Opéra américain n’avait personne à opposer
à cette artiste, mais il se distinguait par un ensemble remarquable, supérieur en
quelques points, et un excellent orchestre. Pour la mise en scène, la victoire
n’était pas même disputée : nous avons rarement vu — en dehors de la Reine de
Saba, qui était très bien montée — une mise en scène d’un goût aussi douteux que
celle de la troupe allemande ; en revanche, les décors et les costumes de l’opéra
américain étaient d’une élégance, d’une distinction, d’une poésie incomparables,
et, pour tout ce qui touche à la mise en scène, à la combinaison des valeurs et
des couleurs, à la distribution des groupes et des masses de personnages, aucun
éloge ne serait au-dessus de la vérité. Dans le Lohengrin, notamment, la mise en
scène de l’arrivée du cygne, de la grande marche et de tous les finales, atteint
aux dernières limites de la beauté artistique.

En résumé, au point de vue de l’art, l’Amérique est un peuple jeune, encore
inférieur pour beaucoup de choses à ses aînés de la vieille Europe ; mais elle
commence sérieusement à se secouer; elle a déjà des artistes de premier mérite
dans l’architecture et la décoration ; elle touche presque au but dans la sculpture
et la peinture, et elle entre dans un domaine qui lui était fermé jusqu’ici : la
musique. Elle va certainement appliquer à l’art le précepte qui lui a si bien servi
pour les autres domaines : go ahead.

E. DURAND-GRÉVILLE.

Le Rédacteur en chef, gérant : LOUIS GONSE.

SCEAUX. — 1MP. CHARAIRE ET FILS.
 
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