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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
cette mangeuse de sauterelles, la danseuse dionysiaque que le dieu
possède. Et le thyase hurlant est autour d’elle, invisible et présent,
car le dieu ne visite la corybante que par l’effort concordant de
toutes les ivresses du groupe qui multiplient les e'nergies comme
des miroirs éclatants qui se renverraient la lumière. C’est là une
œuvre débordante de passion, de
force et de vie, à laquelle aucune
ici ne s’égale; M. Ségoffîn, par
ses envois précédents, avait fait
beaucoup attendre de lui; il tient
par celle-ci beaucoup plus qu’il
n’avait promis.
En opposition avec les œuvres
de ce Salon citées plus haut, où
les souvenirs académiques domi-
nent plus ou moins, celles à ten-
dances réalistes et à prétentions
humanitaires, avec tout ce que la
vie sociale comporte de tristesse,
sont nombreuses. Les anciens,
quand ils ne consacraient pas leur
art à figurer les Impassibles, le
plus souvent représentaient la
joie; nous nous ingénions à repré-
senter la douleur; où les anciens
voyaient les muscles dans leur
beauté souple, nous, connaissant
les déviations du travail et les
déchéances physiologiques, nous
nous plaisons aies reproduire dans
leurs déformations et dans leur
laideur, oubliant, à représenter la
réalité, que cette représentation reste toujours, dans une certaine
mesure, idéalisation, puisque, si réaliste qu’il soit, l’art ne peut faire
autrement que de transformer le réel; aussi quelques-uns se sont-ils
avisés de tricher en moulant par parties leurs œuvres sur la nature
môme.
Sans prétention, mais avec un profond sentiment douloureux,
M. Roger Bloche nous montre deux bronzes : un groupe, la Faim\
une statue, Y Apprenti ; tandis que M. Vital Cornu, par une adroite
APPRENTI, STATUE EN BRONZE
PAR M. ROGER BLOCHE
(Société des Artistes français.)
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
cette mangeuse de sauterelles, la danseuse dionysiaque que le dieu
possède. Et le thyase hurlant est autour d’elle, invisible et présent,
car le dieu ne visite la corybante que par l’effort concordant de
toutes les ivresses du groupe qui multiplient les e'nergies comme
des miroirs éclatants qui se renverraient la lumière. C’est là une
œuvre débordante de passion, de
force et de vie, à laquelle aucune
ici ne s’égale; M. Ségoffîn, par
ses envois précédents, avait fait
beaucoup attendre de lui; il tient
par celle-ci beaucoup plus qu’il
n’avait promis.
En opposition avec les œuvres
de ce Salon citées plus haut, où
les souvenirs académiques domi-
nent plus ou moins, celles à ten-
dances réalistes et à prétentions
humanitaires, avec tout ce que la
vie sociale comporte de tristesse,
sont nombreuses. Les anciens,
quand ils ne consacraient pas leur
art à figurer les Impassibles, le
plus souvent représentaient la
joie; nous nous ingénions à repré-
senter la douleur; où les anciens
voyaient les muscles dans leur
beauté souple, nous, connaissant
les déviations du travail et les
déchéances physiologiques, nous
nous plaisons aies reproduire dans
leurs déformations et dans leur
laideur, oubliant, à représenter la
réalité, que cette représentation reste toujours, dans une certaine
mesure, idéalisation, puisque, si réaliste qu’il soit, l’art ne peut faire
autrement que de transformer le réel; aussi quelques-uns se sont-ils
avisés de tricher en moulant par parties leurs œuvres sur la nature
môme.
Sans prétention, mais avec un profond sentiment douloureux,
M. Roger Bloche nous montre deux bronzes : un groupe, la Faim\
une statue, Y Apprenti ; tandis que M. Vital Cornu, par une adroite
APPRENTI, STATUE EN BRONZE
PAR M. ROGER BLOCHE
(Société des Artistes français.)