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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
exécutées à cette époque soit pour Ghazan, soit pour Euldjaïtou sont
l’œuvre d’artistes chinois ou de Persans qui avaient étudié l’art chi-
nois, comme il est facile de s’en rendre compte en examinant trois
des planches de cet article.
Dès les époques les plus lointaines, les Persans ont eu parfaite-
ment conscience que leur peinture n’était point le résultat d'une
évolution naturelle d’un art autochtone, mais qu’elle leur venait de
l’étranger. Les Persans et les Byzantins racontent une foule de
détails plus ou moins historiques sur l’un des personnages les plus
curieux de la légende de l’Asie, Mani, le prétendu fondateur du
manichéisme. Ils ne s’accordent même pas sur la date à laquelle
il vécut; l’opinion généralement admise est qu’il naquit en Perse,
vers l’an 240 de l’ère chrétienne, d’une famille sacerdotale qui
l’éleva pour en faire un mage. Mani, qui paraît avoir été un nova-
teur autrement hardi que Mahomet, voulut combiner le christianisme
et le mazdéisme pour n’en faire qu’une seule forme religieuse.
Devant les persécutions du roi de Perse Schapour, Mani s’enfuit dans
leTurkestan, s’enferma dans une caverne durant une année entière
et y composa sur les dogmes de sa religion un livre, VErteng, qu’il
orna de nombreuses peintures. Devenu en Perse, il présenta son
livre à Ilormazd, puis à Bahram qui le fit mettre à mort, de même
que vers la fin de la dynastie sassanide Khosroès Anoushirvan
devait faire périr l'imposteur Mazdak. Telle est, à peu de chose près,
la légende qui est rapportée par les auteurs byzantins, par le Ta-
rikh-i Gouzidèh, le Nizam-el-tevarikh et le Habib-el-siyyer; tous
s’accordent à dire que ce fut durant son séjour dans le Turkes-
tan que Mani exécuta les peintures merveilleuses qui séduisirent
Hormazd, de même que les sophismes 1 de Mazdak leurrèrent le
roi Kobad.
Firdousi, qui est toujours l’interprète des plus anciennes tradi-
tions de l’Iran, loin de dire comme les auteurs précédents que le
peintre Mani était né en Perse, aflirme au contraire, d’une façon très
1. Plusieurs auteurs prétendent que Mani vécut, non pas à l’époque des Sas-
sanides, mais bien à l’époque légendaire des Pishdadiens. Cette variante de la
légende n’a pas d’importance, surtout pour le point spécial qui est traité dans cette
étude. Un historien persan, traduit par Gentil, raconte que Mani vint à la cour
du roi indien Maharadj, fils de Kichen (Krishna); il fit de si beaux portraits que
Mabaradj leur rendit des honneurs comme à des divinités;ce fut le commence-
ment de l’idolâtrie dans l’Inde. Son fils aîné.Kissouridje,s’enfuit chez Féridoun,
roi de Perse, qui lui donna une armée avec laquelle il conquit Caboul, le Sind
et Lahore.
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exécutées à cette époque soit pour Ghazan, soit pour Euldjaïtou sont
l’œuvre d’artistes chinois ou de Persans qui avaient étudié l’art chi-
nois, comme il est facile de s’en rendre compte en examinant trois
des planches de cet article.
Dès les époques les plus lointaines, les Persans ont eu parfaite-
ment conscience que leur peinture n’était point le résultat d'une
évolution naturelle d’un art autochtone, mais qu’elle leur venait de
l’étranger. Les Persans et les Byzantins racontent une foule de
détails plus ou moins historiques sur l’un des personnages les plus
curieux de la légende de l’Asie, Mani, le prétendu fondateur du
manichéisme. Ils ne s’accordent même pas sur la date à laquelle
il vécut; l’opinion généralement admise est qu’il naquit en Perse,
vers l’an 240 de l’ère chrétienne, d’une famille sacerdotale qui
l’éleva pour en faire un mage. Mani, qui paraît avoir été un nova-
teur autrement hardi que Mahomet, voulut combiner le christianisme
et le mazdéisme pour n’en faire qu’une seule forme religieuse.
Devant les persécutions du roi de Perse Schapour, Mani s’enfuit dans
leTurkestan, s’enferma dans une caverne durant une année entière
et y composa sur les dogmes de sa religion un livre, VErteng, qu’il
orna de nombreuses peintures. Devenu en Perse, il présenta son
livre à Ilormazd, puis à Bahram qui le fit mettre à mort, de même
que vers la fin de la dynastie sassanide Khosroès Anoushirvan
devait faire périr l'imposteur Mazdak. Telle est, à peu de chose près,
la légende qui est rapportée par les auteurs byzantins, par le Ta-
rikh-i Gouzidèh, le Nizam-el-tevarikh et le Habib-el-siyyer; tous
s’accordent à dire que ce fut durant son séjour dans le Turkes-
tan que Mani exécuta les peintures merveilleuses qui séduisirent
Hormazd, de même que les sophismes 1 de Mazdak leurrèrent le
roi Kobad.
Firdousi, qui est toujours l’interprète des plus anciennes tradi-
tions de l’Iran, loin de dire comme les auteurs précédents que le
peintre Mani était né en Perse, aflirme au contraire, d’une façon très
1. Plusieurs auteurs prétendent que Mani vécut, non pas à l’époque des Sas-
sanides, mais bien à l’époque légendaire des Pishdadiens. Cette variante de la
légende n’a pas d’importance, surtout pour le point spécial qui est traité dans cette
étude. Un historien persan, traduit par Gentil, raconte que Mani vint à la cour
du roi indien Maharadj, fils de Kichen (Krishna); il fit de si beaux portraits que
Mabaradj leur rendit des honneurs comme à des divinités;ce fut le commence-
ment de l’idolâtrie dans l’Inde. Son fils aîné.Kissouridje,s’enfuit chez Féridoun,
roi de Perse, qui lui donna une armée avec laquelle il conquit Caboul, le Sind
et Lahore.