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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 4.1910

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Bidou, Henry: Les salons de 1910, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24874#0060

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30

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

soient capables d’avoir appris à sculpter et à peindre de celle*
sorte, c’est désolant et admirable. C'est désolant, car vingt œuvres
médiocres sont exactement comme rien au regard du beau. Et c’est
un admirable témoignage du génie de la race. On se dit : « Quels bons
ébénistes, quels habiles tourneurs, quels tailleurs de pierre naïfs
auraient pu rester tant de jeunes gens, dont la culture moyenne ne
dépasse pas beaucoup celle d'un carrier ou d’un fabricant de chaises ! »
L’idée de l’artiste, dans la société moderne, est tout à fait singu-
lière. Elle n’a jamais eu d’équivalent. Elle est un résumé de lieux
communs qui ont passé dans l’éloquence officielle. La réalité en
est fort dillérente. On vient à la peinture des milieux les plus
divers. Depuis le berger envoyé par son département jusqu’à
l’enfant de bourgeois aisés qui crayonnait tout petit, et dont le
grand-oncle dessinait si bien les arbres à la mine de plomb, de
sorte que toute la famille a crié à la vocation héréditaire, — quelle
variété d’espérances ! On fait ses études, on attrape quelques compli-
ments, on est reçu au Salon, on a une grande cape et un pantalon
de velours. On atteint très vite une certaine réputation, et on est
connu entre la gare Montparnasse et la rue Notre-Damc-des-
Champs. On fonde sur l’avenir des espoirs magnifiques. On a d’ail-
leurs une petite vie fort simple; on déjeune à ce petit restaurant,
et on va boire à cet autre ; on abat ses deux petites séances par
jour, et on passe le mois de juillet à Bréhat. Cependant les années
passent; on a de petites commandes, de petites ventes, de petites
illustrations, de petites gravures. On a toujours sa cape, sa pipe,
son collage et sa partie de jacquet; mais on a aussi les cheveux
gris. On abat toujours ses deux séances; mais on n’y exprime plus
rien de nouveau On sait qu’on ne sera pas un grand artiste; et la
vie passe doucement. Voilà la peinture française.

Se rappelle-t-on le Jack de Daudet, qui ne put jamais devenir
serrurier, le pauvre enfant, parce qu’il n’avait pas « le sentiment
de la lime »? Le mot est aussi profond que joli. Il est vrai de toutes
les professions ; le génie n’est pas autre chose. Un peintre est un
homme qui a un'certain sentiment du pinceau. Les neuf sur dix
ne l’ont pas; ils font de l’à peu près bien. Le dixième l’a; on le sent
aux moindres traits. Entre les autres et lui il y a une différence
infranchissable. Les autres sont des braves gens; mais lui, c’est un
joli peintre.

HENRI’ BIDOU
 
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