Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (4. Pér. 4.1910)

(Exposition Universelle de Bruxelles.)

L’ART SOCIAL A L’EXPOSITION DE BRUXELLES

L’exposition de Bruxelles laissera aux historiens de l’art social
le souvenir d’une leçon décevante et fertile en avertisse-
ments. Elle marque une date dans les annales des préten-
dues « assises de la paix » ; elle précise un état d’esprit à leur
endroit; elle établit comment le principe s’en est modifié, altéré,
usé avec le temps. Aux yeux des moins avertis, il ressort que les
Expositions universelles et internationales ne présentent plus qu’un
intérêt caduque et périmé. On leur demandait naguère d’informer et
d’instruire, de constater et de stimuler, par l'exemple et le parallèle,
le progrès des civilisations. Le champ des activités est si vaste que
le but se trouve hors d’atteinte aujourd’hui. Trop vagues et trop
intermittentes, les lumières offertes n’autorisent plus ni vue particu-
lière, ni jugement d’ensemble. A cet égard, l’Exposition de Bruxelles
prend le sens d’une démonstration péremptoire. Puisse-t-elle ne
pas rester lettre morte! Il ne saurait plus y avoir place, en France,
qu’à des expositions régionales, capables de favoriser une décen-
tralisation nécessaire, ou bien à des expositions internationales se
proposant un objet précis, limité, restreint; les autres ont perdu la
vertu didactique et la portée édifiante. Les intérêts véritables du
pays, qui sont ceux du savoir et de la raison, y demeurent indiffé-
rents. Le moment est venu de satisfaire les convoitises du plaisir
et de la vanité par des amusements qui apportent, dans la vie des
peuples, un trouble moins onéreux et moins durable.