Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (4. Pér. 4.1910)

PEINTRES-GRAVEURS CONTEMPORAINS

GEORGES BRUYER

Georges Bruyer a produit en quelques années des œuvres déjà
nombreuses. Des dessins comme Discipline, Les Religions ou
Le Livre de Fer attirèrent l’attention aux Indépendants; ses
eaux-fortes témoignent aujourd’hui de son originalité : telles sont
La Duègne, L'Ivraie, Saint-Eustache, Le Joueur d'orgue, Le Rempail-
leur, La Côte sauvage, etc., et récemment ses illustrations pour les
Chansons, rondeaux et ballades de Marot'.

Ce qui frappe dès l’abord en M. Bruyer, c’est le goût des opposi-
tions, le goût du blanc et du noir; on serait presque tenté de dire
que ce goût détermina le choix des sujets. Dans le romantisme de
débuts qui sont d’hier, il se plut à des thèmes sinistres ou d’une
sombre satire : c’était devant des cieux lourds, percés à l’horizon
d’une trouée lumineuse, que se balançaient les Pendus de Villon ou
que s’entassaient les soldats ou les peuples courbés sous le joug de
la Discipline ou des Religions. Bientôt les types observés dans ses
promenades et fixés en de multiples et rapides croquis lui servirent
de modèles; mais il soumettait encore leur groupement aux inten-
tions d’un âpre humorisme, et c’était sous la forme contrastée de
la jeunesse et du vice sénile qu’il concevait la Duègne ou le Vieux
Marcheur. Peu à peu ses sujets se dépouillèrent de leur littérature,
la vie des rues parisiennes ou l’immobilité des rochers du Morbihan
captivèrent ses regards : une marchande de journaux, rue Réaumur,
un rempailleur, ou la cohue qui bat Saint-Eustache lui semblèrent
dignes de représentation au même titre que la côte sauvage ou le