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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
strahl lui avait porté un coup fatal. Sylvius, qui, avec Evrard Chau-
veau, avait décoré le château de Drottningholm et qui avait encore
quelque valeur, était mort au commencement du siècle. Son élève
Olof Pilo était incapable de soutenir l’institution; il devait même
bientôt abandonner son art. Lucas de Bréda avait ouvert en 1718
une manufacture d’étoffes qui accaparait tout son temps. Le portrai-
tiste David von Krafft restait seul et essayait de rallier des élèves
pour conserver un semblant de vitalité à l’ancienne école de des-
sin. Malheureusement, il avait lui-même trop de choses à apprendre
pour pouvoir enseigner. C'estalors que les jeunes Suédois qui se sen-
taient une valeur naissante commencèrent à partir à l’étranger,
c’est-à-dire en Lrance. Le premier de ceux-là fut Roslin. Un seul
élève de Krafft, bien imparfait, mais cependant supérieur aux autres,
arriva en Suède aux honneurs. Ce fut Georg Engelhard Schrôder. It
succéda à Krafft comme peintre de cour et fut le principal adversaire
des artistes français. Il aborda tous les genres. Le roi Frédéric
l’honorait de son amitié, toute la noblesse le comblait de faveurs,
son temps ne pouvait suffire aux commandes. Il avait ensemble la
célébrité et la fortune.
Il s’attendait certainement à être employé à la décoration du
Château. Il n’en fut rien. En dépit du renom dont il jouissait, de
l’amitié de la famille royale, Tessin et Hârleman l’écartèrent systé-
matiquement. Les trois Allégories de sa main qui se voient encore
dans le salon de Drottningholm et dont l’une est datée de 1730
prouvent de toute évidence que cette mesure d’éviction fut heureuse.
Néanmoins, les anciens partisans de l’art national se groupèrent de
nouveau contre les partisans des artistes étrangers. L’hostilité se
montra dès l’arrivée de ces derniers. Hârleman s’était vu contraint
de leur offrir le logement en plus du salaire qui leur était alloué.
Il demanda à la municipalité de Stockholm de leur concéder un
local. La municipalité refusa sèchement. Schrôder prit parti contre
eux avec une acrimonie qui manque de dignité et qui rappelle
plutôt une concurrence commerciale qu’une lutte de principes. Sa
mauvaise humeur fut à son comble quand il vit Taraval fonder une
école de dessin à l’encontre de celle qui existait déjà.
Taraval était un peintre de grande valeur. Il était né à Paris
en 1702. Il était élève de son père et d’Audran. Ce dernier lui
avait adressé Hârleman, qui avait su le décider à venir en Suède. Il
y était arrivé avec sa femme et son fils âgé de quatre ans. Il était
peintre d’histoire et animalier. Ses œuvres qui subsistent encore le
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strahl lui avait porté un coup fatal. Sylvius, qui, avec Evrard Chau-
veau, avait décoré le château de Drottningholm et qui avait encore
quelque valeur, était mort au commencement du siècle. Son élève
Olof Pilo était incapable de soutenir l’institution; il devait même
bientôt abandonner son art. Lucas de Bréda avait ouvert en 1718
une manufacture d’étoffes qui accaparait tout son temps. Le portrai-
tiste David von Krafft restait seul et essayait de rallier des élèves
pour conserver un semblant de vitalité à l’ancienne école de des-
sin. Malheureusement, il avait lui-même trop de choses à apprendre
pour pouvoir enseigner. C'estalors que les jeunes Suédois qui se sen-
taient une valeur naissante commencèrent à partir à l’étranger,
c’est-à-dire en Lrance. Le premier de ceux-là fut Roslin. Un seul
élève de Krafft, bien imparfait, mais cependant supérieur aux autres,
arriva en Suède aux honneurs. Ce fut Georg Engelhard Schrôder. It
succéda à Krafft comme peintre de cour et fut le principal adversaire
des artistes français. Il aborda tous les genres. Le roi Frédéric
l’honorait de son amitié, toute la noblesse le comblait de faveurs,
son temps ne pouvait suffire aux commandes. Il avait ensemble la
célébrité et la fortune.
Il s’attendait certainement à être employé à la décoration du
Château. Il n’en fut rien. En dépit du renom dont il jouissait, de
l’amitié de la famille royale, Tessin et Hârleman l’écartèrent systé-
matiquement. Les trois Allégories de sa main qui se voient encore
dans le salon de Drottningholm et dont l’une est datée de 1730
prouvent de toute évidence que cette mesure d’éviction fut heureuse.
Néanmoins, les anciens partisans de l’art national se groupèrent de
nouveau contre les partisans des artistes étrangers. L’hostilité se
montra dès l’arrivée de ces derniers. Hârleman s’était vu contraint
de leur offrir le logement en plus du salaire qui leur était alloué.
Il demanda à la municipalité de Stockholm de leur concéder un
local. La municipalité refusa sèchement. Schrôder prit parti contre
eux avec une acrimonie qui manque de dignité et qui rappelle
plutôt une concurrence commerciale qu’une lutte de principes. Sa
mauvaise humeur fut à son comble quand il vit Taraval fonder une
école de dessin à l’encontre de celle qui existait déjà.
Taraval était un peintre de grande valeur. Il était né à Paris
en 1702. Il était élève de son père et d’Audran. Ce dernier lui
avait adressé Hârleman, qui avait su le décider à venir en Suède. Il
y était arrivé avec sa femme et son fils âgé de quatre ans. Il était
peintre d’histoire et animalier. Ses œuvres qui subsistent encore le