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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
les dimensions de ses carrefours de circulation au point que la
place de l'Opéra tiendrait deux fois dans la place des Vosges et celle
de la République, deux fois dans celle de la Concorde, il a, du
moins, eu la vue large pour les espaces libres dont il a doté Paris.
Le bois de Boulogne, Yincennes, les Buttes-Chaumont, le parc de
Montsouris, le parc Monceau ont des beautés qui font passer sur
bien des ruines et des fautes de goût.
D’ailleurs, depuis sa retraite, qu’avons-nous fait? Quel effort
avons-nous tenté? Un particularisme de quartier stérile a cherché,
en entreprenant un peu partout de courts tronçons de voies, à
donner un semblant de satisfaction aux points les plus opposés de
la capitale. L’atlas des Travaux de Paris de 1789 à 1889 est notre
acte d’accusation. En face de la page du Second Empire, où tous
les efforts sont groupés, où tout se tient, où tout s’enchaîne, celle
de la Troisième République représente un parcellement lamentable,
un émiettement tel, qu’il semble qu’on ait semé les travaux au
hasard pour en saupoudrer tout Paris.
Bien plus, malingres copistes d’IIaussmann, nos géomètres ont
continué à suivre son plan. Alors que chaque jour la grande cité se
transforme, que, de l’Opéra, son centre chemine vers l’Etoile, ce sont
toujours les principes de 1853 qui président à nos opérations d’édi-
lité. Le boulevard Raspail, qui vient de s’ouvrir, ne diffère nullement
du boulevard Magenta, et quand une courbe légère de quelques
mètres suffisait à sauver l’hôtel des Conseils de guerre, l’impitoyable
alignement a passé par là son niveau destructeur. Si I on n’y prend
garde, d’autres monuments historiques sont menacés. L’hôtel de
Fieubet, l’hôtel d’Ormcsson, l’hôtel de Soubise, l’hôtel de Clisson,
l'hôtel Hérouet, l’hôtel d’Albret, sont marqués pour la pioche du
démolisseur. Le cri d’alarme est parti du cabinet même du préfet
de la Seine, avec les remarquables rapports de M. Louis Bonnier1. Il
semble que nous ayons consei'vé du plan d’Uaussmann tout ce qu’il
avait de fâcheux, sans avoir su donner en retour aux Parisiens ce
qu’il leur avait distribué si libéralement il y a cinquante ans : les
espaces libres. Au lieu d’agrandir le square du Temple, nous avons
1. Mémoire de M. le Préfet de la Seine au Conseil municipal, 27 octobre 1909
(Aspects de Paris) (av. 20 planches).
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les dimensions de ses carrefours de circulation au point que la
place de l'Opéra tiendrait deux fois dans la place des Vosges et celle
de la République, deux fois dans celle de la Concorde, il a, du
moins, eu la vue large pour les espaces libres dont il a doté Paris.
Le bois de Boulogne, Yincennes, les Buttes-Chaumont, le parc de
Montsouris, le parc Monceau ont des beautés qui font passer sur
bien des ruines et des fautes de goût.
D’ailleurs, depuis sa retraite, qu’avons-nous fait? Quel effort
avons-nous tenté? Un particularisme de quartier stérile a cherché,
en entreprenant un peu partout de courts tronçons de voies, à
donner un semblant de satisfaction aux points les plus opposés de
la capitale. L’atlas des Travaux de Paris de 1789 à 1889 est notre
acte d’accusation. En face de la page du Second Empire, où tous
les efforts sont groupés, où tout se tient, où tout s’enchaîne, celle
de la Troisième République représente un parcellement lamentable,
un émiettement tel, qu’il semble qu’on ait semé les travaux au
hasard pour en saupoudrer tout Paris.
Bien plus, malingres copistes d’IIaussmann, nos géomètres ont
continué à suivre son plan. Alors que chaque jour la grande cité se
transforme, que, de l’Opéra, son centre chemine vers l’Etoile, ce sont
toujours les principes de 1853 qui président à nos opérations d’édi-
lité. Le boulevard Raspail, qui vient de s’ouvrir, ne diffère nullement
du boulevard Magenta, et quand une courbe légère de quelques
mètres suffisait à sauver l’hôtel des Conseils de guerre, l’impitoyable
alignement a passé par là son niveau destructeur. Si I on n’y prend
garde, d’autres monuments historiques sont menacés. L’hôtel de
Fieubet, l’hôtel d’Ormcsson, l’hôtel de Soubise, l’hôtel de Clisson,
l'hôtel Hérouet, l’hôtel d’Albret, sont marqués pour la pioche du
démolisseur. Le cri d’alarme est parti du cabinet même du préfet
de la Seine, avec les remarquables rapports de M. Louis Bonnier1. Il
semble que nous ayons consei'vé du plan d’Uaussmann tout ce qu’il
avait de fâcheux, sans avoir su donner en retour aux Parisiens ce
qu’il leur avait distribué si libéralement il y a cinquante ans : les
espaces libres. Au lieu d’agrandir le square du Temple, nous avons
1. Mémoire de M. le Préfet de la Seine au Conseil municipal, 27 octobre 1909
(Aspects de Paris) (av. 20 planches).