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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 7.1912

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Nr. 2
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Koechlin, Charles: Chronique musicale
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https://doi.org/10.11588/diglit.24884#0169

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CHRONIQUE MUSICALE

THÉÂTRE NATIONAL DE L’OPÉRA-COMIQUE : BERENICE, tragédie en musique
en trois actes, par M. Albéric Magnard.

T’aime beaucoup la préface écrite par M. Magnard en tète de sa partition, et
c'est assurément le meilleur commentaire à sa musique. Peut-être
devrais-je me borner à y renvoyer mes lecteurs, sans plus : mais je m’en
voudrais de ne pas dire tout le bien que je pense de Bérénice.

Écrivant pour soi, loin du monde, laborieux, sincère, enthousiaste et naïf;
intelligent, et cultivé, comme les « honnêtes gens » du xvnc siècle, par les
humanités classiques; capable d’émotion et de pitié, sensible profondément,
mais d’une sensibilité qui ne se livre pas à tout hasard, tel je me Ligure M. Ma-
gnard d’après sa préface; tel absolument je le retrouve en sa musique.

Il habite, on le sait, la campagne. Heureux qui vit loin des villes, de leur
agitation stérile et fiévreuse, — loin des cénacles d’art, des petites chapelles,
des querelles d’écoles, des mesquines rivalités, de la mode, de la presse, des
salons et des snobs, de tout ce qui dessèche le cœur et disperse ou décou-
rage l’inspiration! Heureux qui, passant ses jours dans le calme du travail, ne
travaille qu’à son œuvre ! Heureuse l’œuvre née ainsi, parmi la beauté robuste et
charmante des arbres, dans la sérénité des collines, sous l’éclat des nuits
étoilées! Ne pas être averti des plus récents accords découverts par tel jeune
musicien, ce n’est pas un grand mal (on en découvre aussi dans la solitude de la
retraite), et cela peut être un grand bien, car on ne cherche guère, alors, à faire
plus moderne et plus nouveau que le voisin; on écrit sans crainte du qu’en-dira-
t-on; on chante sans peur de la banalité et de l’emphase; on est, d’abord et
avant tout, soi-même.

Soi-même, M. Magnard l’était dès ses premières œuvres. On y remarquait
déjà ce mélange de rude énergie et de sensibilité profonde qui semble le propre
de sa nature. C’est pourquoi, tout naturellement et sans disparate, il oppose en
Bérénice les ardeurs passionnées de Titus et de son amante aux accents de mâle
vertu du vieux Mucien. Je ne crois pas que jamais la musique ait plus heureuse-
ment traduit la vigueur et l’austérité romaines; et, quant à l’expansion mélo-
dique si franche, si émue et si noble, par quoi l’amour s’exprime en cette tra-
gédie, elle nous est d’autant plus précieuse que nos compositeurs actuels ne s’y
 
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