Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (4. Pér. 7.1912)

L’ARCHITECTURE ROMANE

D’APRÈS UN LIVRE RÉCENT DE M. R. DE LASTEYRIE1

l y a plus de vingt ans, un matin de
février, j’entrai avec M. de Lasteyrie
dans l’église Saint-Sernin de Tou-
louse. Je commençais alors à étudier
l’architecture du Moyen âge dans
des livres où ne manquaient ni les
obscurités, ni les incertitudes. Dans
la vieille église romane, la parole
de M. de Lasteyrie me charma par
sa clarté; les formes m’apparurent
comme les effets d’une cause unique :
l’emploi de la voûte. Nous montâmes dans la tribune, et je vis
M. de Lasteyrie examiner les chapiteaux les uns après les autres
avec la plus minutieuse attention. C’étaient de simples chapiteaux
de feuillages qui me paraissaient alors ne mériter qu’un coup d’œil :
pourtant il ne se lassait pas de les regarder, de les comparer, de
les dessiner. J’admirai cette conscience et je compris que l’archéo-
logie n’était pas un passe-temps d’amateur, mais qu’elle demandait
autant de patientes observations que les sciences de la nature.
J’appris beaucoup ce jour-là.

Le souvenir de cette matinée déjà loinfaine m’est revenu à
l’esprit en lisant le beau livre consacré à l’architecture romane, que
M. de Lasteyrie vient de publier1. Sans cesse j’y retrouvais la clarté
et la conscience qui m’avaient tant frappé jadis. La clarté est telle
que le lecteur le moins préparé pourra lire le livre d’un bout à
l’autre sans être arrêté un instant. Cette belle lumière résulte tout
naturellement de la netteté des définitions, de l’enchaînement
logique des parties, de la subordination constante de ce qui est
secondaire à ce qui est essentiel.

1. L’Architecture religieuse en France à l’époque romane; ses origines, son déve-
loppement. Paris, Alphonse Picard et fils, 1912. Un vol. in-4, 749 pages av. 731 fig.