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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 4. Pér. 7.1912

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Nr. 5
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Berenson, Mary Logan: Le nouveau tableau de Bellini au Louvre
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https://doi.org/10.11588/diglit.24884#0394

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

sévérité, cette tendresse, ce sérieux, cette plénitude tragique, et pour-
tant contenue, de pitié et de tristesse, cette noblesse dans la souf-
france, que Bellini, entre 1450 et 1460 environ, a su exprimer avec
plus d’éloquence et de dignité que nul autre.

L’émotion, chez lui, était sans doute sincèrement religieuse, car il
peut fort bien, dans sa première jeunesse, avoir subi les atteintes de ce
renouveau de piété que suscitèrent les missions de saint Bernardin.
L’ane de ces missions, faite à Padoue en 1443, produisit une impres-
sion particulièrement profonde; on peut penser que le jeune artiste,
alors apprenti dans cette ville, n’y a pas échappé. Cette hypothèse
est tout au moins admissible pour expliquer le caractère éminem-
ment spirituel des premières œuvres de Bellini.Mais si l’art, tel qu’il
le pratiquait alors, n’avait pas été « au point », Bellini eût pu être
converti par saint Bernardin sans que nous en eussions rien su, ou
sans que l’étude de ses œuvres révélât cette vicissitude de sa vie
morale. Assurément, bien des peintres, depuis l’époque de la jeu-
nesse de Bellini, ont été imbus de sentiments religieux, ont traversé
des crises de piété. Mais le fait que d’autres peintres, depuis ce temps-
là, n’ont pas été capables d’exprimer ces sentiments avec tant de
pureté, tient à ce que leur art avait pris et suivi un chemin qui les
■en détournait, ou y laissait introduire, comme cela s’est vu en
Espagne, des éléments étrangers.

Que s'était-il donc passé? Vers la fin du xve siècle, la peinture
perdit peu à peu, à Venise même, l’équilibre jusque-là réalisé
instinctivement entre le symbolisme et la représentation. A l’instant
précis où celui-là ne l’emporte pas sur celle-ci, l’art est parfaite-
ment propre à communiquer des sentiments religieux profonds
comme ceux qu’exprime le Sauveur de Bellini. A une étape anté-
rieure, où le symbolisme domine, l’art peut figurer des émotions
mystiques et surnaturelles; mais c’est seulement quand il y a équi-
libre qu’il peut leur prêter une expression vraiment humaine, avec
moins de terreur et plus de pitié. Quand l’équilibre est rompu en
faveur du réalisme de la représentation, l’élément humain commence
à prendre le dessus sur l’élément religieux. Finalement, lorsque
Limitation de la nature a produit tous ses effets, il ne reste guère
que l’élément humain; alors toute tentative de parler la langue des
émotions religieuses aboutit à la rhétorique et au mélodrame, aux
sons creux ou faux.

Giovanni Bellini, un peu après le milieu du xve siècle, a été le
représentant accompli de cet art équilibré où le symbole est suffi-
 
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