L’tëXPOSITION INTE KNATIONALE DE LYON
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l’enlaidissement de nos rues et de nos jardins aux auteurs des monu-
ments de Jules Ferry et de Waldeck-Rousseau? N’ont-ils jamais vu,
qu’ils aient pu la méconnaître ou l’oublier, cette Flore de M. Maillol,
poème à travers le temps de la force et de la grâce auguste? Lorsque
M. Clemenceau commanda à Aristide Maillol une statue de Blanqui
pour la ville de Puget-Théniers : « Que comptez-vous faire? » lui
demanda-t-il. Et Maillol, tranquillement : « Je ferai une femme nue. »
Il fit comme il avait dit, et Puget-Théniers, où d’ailleurs l’œuvre de
Maillol dut être inaugurée la nuit, n’aura jamais aucune idée du
pantalon et de la redingote de Blanqui, mais un nu admirable y rêve
sous l’ombre mouvante, où filles et garçons viendront confronter
leur beauté ou leur désir.
* *
Cette Exposition a jeté les Lyonnais dans une sorte d’abattement
étonné. Ils s’attendaient à voir des peintres : on leur montre des
artistes; ils demandaient des fabricants habiles, quelque chose
comme des photographes supérieurs : voici paraître des créateurs
hésitants. Un tableau n’est plus le résultat d’un savoir-faire disci-
pliné, mais le produit presque naturel d’une sensibilité intelligente.
Les critiques ne nous ont pas été ménagées, ni les injures. Ceci, au
moins était dans la tradition.
Cependant, quelques amitiés, et, avant toutes, celle du maire de
Lyon,M. Edouard Herriot, nous ont soutenus. Parmi nos concitoyens,
certains esprits libres, aussi dépourvus de snobisme que de parti pris,
nous ont apporté leur approbation, d’autant plus précieuse qu’elle
fut lente et réfléchie. Après cette secousse, Lyon ne deviendra pas
un des boulevards de la peinture nouvelle ; du moins les tentatives
sincères, encore que déconcertantes à l’abord, y seront-elles accueil-
lies avec plus de sympathie qu’en aucune autre ville de province.
Quant aux artistes, que cette Exposition, et aussi ces lignes,
vaine critique, — le bruit de l’eau quand le moulin tourne, — leur
soient au moins prétexte à repenser ces paroles de Goethe : « Et
quand tu seras ainsi formé, quand tu seras pénétré de cette vérité :
« Il n’y a de vrai, de vraiment existant pour toi que ce qui rend ton
(( esprit fécond », alors observe le cours général du monde et, le
laissant suivre sa route, associe-toi à la minorité. »
RICHARD G A N T I N E L L I
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l’enlaidissement de nos rues et de nos jardins aux auteurs des monu-
ments de Jules Ferry et de Waldeck-Rousseau? N’ont-ils jamais vu,
qu’ils aient pu la méconnaître ou l’oublier, cette Flore de M. Maillol,
poème à travers le temps de la force et de la grâce auguste? Lorsque
M. Clemenceau commanda à Aristide Maillol une statue de Blanqui
pour la ville de Puget-Théniers : « Que comptez-vous faire? » lui
demanda-t-il. Et Maillol, tranquillement : « Je ferai une femme nue. »
Il fit comme il avait dit, et Puget-Théniers, où d’ailleurs l’œuvre de
Maillol dut être inaugurée la nuit, n’aura jamais aucune idée du
pantalon et de la redingote de Blanqui, mais un nu admirable y rêve
sous l’ombre mouvante, où filles et garçons viendront confronter
leur beauté ou leur désir.
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Cette Exposition a jeté les Lyonnais dans une sorte d’abattement
étonné. Ils s’attendaient à voir des peintres : on leur montre des
artistes; ils demandaient des fabricants habiles, quelque chose
comme des photographes supérieurs : voici paraître des créateurs
hésitants. Un tableau n’est plus le résultat d’un savoir-faire disci-
pliné, mais le produit presque naturel d’une sensibilité intelligente.
Les critiques ne nous ont pas été ménagées, ni les injures. Ceci, au
moins était dans la tradition.
Cependant, quelques amitiés, et, avant toutes, celle du maire de
Lyon,M. Edouard Herriot, nous ont soutenus. Parmi nos concitoyens,
certains esprits libres, aussi dépourvus de snobisme que de parti pris,
nous ont apporté leur approbation, d’autant plus précieuse qu’elle
fut lente et réfléchie. Après cette secousse, Lyon ne deviendra pas
un des boulevards de la peinture nouvelle ; du moins les tentatives
sincères, encore que déconcertantes à l’abord, y seront-elles accueil-
lies avec plus de sympathie qu’en aucune autre ville de province.
Quant aux artistes, que cette Exposition, et aussi ces lignes,
vaine critique, — le bruit de l’eau quand le moulin tourne, — leur
soient au moins prétexte à repenser ces paroles de Goethe : « Et
quand tu seras ainsi formé, quand tu seras pénétré de cette vérité :
« Il n’y a de vrai, de vraiment existant pour toi que ce qui rend ton
(( esprit fécond », alors observe le cours général du monde et, le
laissant suivre sa route, associe-toi à la minorité. »
RICHARD G A N T I N E L L I