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d'une pureté irréprochable, et pourtant ces
trois produits de la lumière sont harmonieu-
sement fondus les uns dans les autres dans
un velouté délicieux à l'œil. Ensuite, nous
faisons ici, comme en France : nous abusons
du troussage et nous l'appliquons à tous
les cas alors que ce mode dengraissement,
si on peut dire ainsi, ne convient pas à la
généralité des sujets.
Il y a beaucoup à dire sur cette partie du
métier, mais pour le moment montrons-nous
satisfaits d'un tirage qui n'a peut-être que
bien peu de chose à gagner pour réaliser le
progrès entrevu et saluons de tout notre
cœur la tentative nouvelle des Aquafortistes
d'Anvers qui démontre une fois de plus tout
ce que cette ville renferme de vitalité ar-
tistique.
UN NOUVEAU JOURNAL.
Un homme de talent, de cœur et d'énergie,
M. Emile Valentin, vient de fonder une pu-
blication littéraire intitulée : Journal des
gens de lettres belges. 11 faut, on voudra bien
en convenir, un certain courage pour venir
à une époque pornographique comme la
notre, parler le langage austère et élevé de
la véritable critique et de la poésie honnête.
M. Valentin ne se dissimule point la difficulté
de sa tâche; il appréhende même qu'en di-
sant la vérité à tous il aura à regretter la
perte de plus d'une relation agréable. Nul
plus que nous n'approuve la nécessité du
plan loyal de notre confrère et c'est avec un
sentiment de confraternité respectueuse que
nous tendons la main à cet honnête homme ;
mais saura-t-il dissiper cette atmosphère
de tous côtés malsaine qui nous enveloppe
et qui finira peut-être par nous étouffer?
Au moment où nous recevions les premiers
numéros de ce journal, nous coupions les
feuillets du Po'lybiblion de France qui, en
parlant de Van Bemmel mort récemment,
rendait hommage à son talent et disait qu'il
était presque seul en Belgique a tenir le
sceptre de la critique littéraire, mais, ajoute
l'auteur, Van Bemmel avait organisé la con-
spiration du silence autour de tous les ou-
vrages dont les idées ne reflétaient point les
siennes. C'est là le mal dont nous souffrons,
c'est ce manque de loyauté qui tue chez nous
toute aspiration élevée et qui empêche un
public de se former.
M. Valentin, en promettant d'être juste
envers les uns et les autres, déplaira néces-
sairement aux uns comme aux autres. Cette
situation est fatale, mais peut-être parvien-
dra-t-il à se créer entre les deux courants
une position relativement prospère. Nous
disons : peut-être!... Dans tous les cas elle
ne pourra qu'honorer ses intentions et sa
conduite.
Les deux numéros parus nous font bien
augurer de l'instinct du journal Ce sont des
articles de critique très courts, ce qui est
adroit. Ce sont les réimpressions d'anciennes
poésies belges oubliées ou inconnues, ce qui
est patriotique; c'est une chronique litté-
raire recueillant les faits, les on-dit, les
promesses, les actualités, etc. Viennent en-
suite des pièces de vers plus au moins iné-
dites, un Bulletin bibliographique, puis enfin
une sorte de feuilleton destiné aux fantaisies
littéraires. Ce cadre est simple et, sous la
direction de M. Valentin, il ne sera pas diffi-
cile à remplir.
Il faut surtout le louer d'avoir donné à
son entrée en scène une allure simple et
modeste. Depuis un quart de siècle combien
n'en avons-nous pas vu mourir de feuilles
de ce genre s'annonçant à grands coups de
caisse et au bruit d'une sonore musique
d'orchestre! Hélas, elles sont mortes sans
le moindre tambour ni la moindre trompette
et nul ne sait même comment elles s'appe-
laient ici-bas.
Le Journal des gens de lettres belges vivra
longtemps, non pas si on le veut, mais s'il le
veut. Il ne lui faut pour cela qu'une ligne de
conduite invariable; le mépris du vulgaire,
le soif du beau, le respect de tous.
LES GRANDES PUBLICATIONS MODERNES
histoire générale de la tapisserie.
[Livraisons : 14, 15 et 16).
Cette somptueuse publication, conduite avec
grand savoir, se développe et s'épanouit régu-
lièrement en magnificences topographiques de
premier ordre et en pages bourrées d'érudi-
tion.
Quatorzième livraison : Episode du siège de
Troie (photoglyphie). Tapisserie du xve siècle
provenant d'Arras ou de Tournai. Cette cu-
rieuse reproduction ne se trouve point accom-
pagnée du texte qui l'expliquerait. Le système
adopté par les éditeurs n'a pas permis aux
auteurs de placer immédiatement en regard
de leur travail les inappréciables modèles
reproduits. Ce n'est qu'à la fin de l'ouvrage
que cette classification méthodique pourra se
faire ; nous sommes donc réduits pour le
moment à ne pouvoir apprécierque l'exécution
de la planche. Donc, disons que la photo-
glyphie que nous avons sous les yeux a ,
au point de vue historique, une valeur plus
grande peut-être que l'original dont les cou-
leurs n'accentuent pas les détails avec la même
clarté que le noir et le blanc seuls. La même
observation peut s'appliquer à la page sui-
vante, reproduisant par le même procédé, la
Levée du siège de Dôle en 1477, tapisserie
admirable, vaste tableau d'histoire, des fabri-
ques de Bruges, reproduite au bistre. L'Her-
cule et Atlas des fabriques de Bruxelles (?) est
un assez curieux échantillon du mauvais goût
ornemental du xve siècle. Le Mois d'octobre,
dont le dessin est attribué à Luc de Leyde, est
une planche des plus intéressantes. Le sys-
tème d'ornementation qui s'y développe,
quoique d'un goût douteux, a des audaces
artistiques qui dénotent chez celui qui l'a
conçu, un sentiment très primesautier de la
composition. La planche est imprimée en tons
de bronze verdâtre.
Quinzième livraison : Le triomphe de Bac-
chits, d'après Coypel. Tapisserie des Cobelins;
planche en couleurs. Composition assez froide
quoique empruntée à Mantegna. La planche
reproduit l'apparence un peu uséé de la pièce.
Cette circonstance sur laquelle nous appuyons
est à nos yeux un des grands mérites du re-
cueil où le même système a été suivi pour
toutes les reproductions. La Chasse de Méléa-
gre, composition assez lourde de Charles de
Coomans (i) dont il ne faut relever que l'élé-
gante et riche bordure. On doit en dire à peu
près autant de la planche qui suit. Toutes
deux sont tirées dans un ton bleuté. Bataille
de Constantin : Composition d'une fière allure,
très claire et d'une belle venue. Tirée en
bistre. Un Apollon, composé à l'italienne, par
Coypel, forme le sujet de la quatrième planche
tirée en bistre. On en remarquera les orne-
ments supérieurs à ceux de l'Apollon.
Seizième livraison : Le mariage de Louis
XIV, d'après Lebrun. Belle planche bleutée
d'un grand intérêt; bien venue. I^e siège de
Douai, du même, planche bistrée, très mouve-
mentée dont on remarquera, après le sujet
principal très heureux, la bordure qui repro-
duit à droite et à gauche quelques victoires du
Roy l.avisite de LouisXIV aux Gobelins forme
le sujet de la troisième planche, vigoureuse-
ment tirée en bistre et supérieurement clichée.
Le château de Yincennes est la dernière
planche de cetle livraison. Malgré l'effacement
des fonds, cette tapisserie forme une sorte de
décor des plus élégants.
Nous devons remettre à la fin de l'ouvrage
l'appréciation que nous en voudrions faire au
point de vue historique; le mode de publica-
tion nous y oblige. En attendant, constatons
que MM. J. Guiffrey, E. Muntz et Al. Pinchart,
dans les notices que nous avons déjà d'eux,
déploient des trésors d'érudition et font
preuve d'une opiniâtreté de travail dont la
faveur et la reconnaissance publiques ne man-
queront pas de les récompenser. M. Léon
Vidal, qui dirige fa partie iconographique,
n'aura point en cela la plus petite part. Ne né-
gligeons pas de relever les nombreuses illustra-
tions du texte dont la plupart sont d*un réel
intérêt historique; nous ne les oublierons pas
lors du compte-rendu du livre en lui-même.
(1) Nous serions reconnaissants envers les per-
sonnes qui voudront bien nous communiquer quel-
ques renseignements sur cet artiste qu'il ne faut
sans doute pas confondre avec Alexandre et Marc
Coomans, tapissiers ou Comans.
d'une pureté irréprochable, et pourtant ces
trois produits de la lumière sont harmonieu-
sement fondus les uns dans les autres dans
un velouté délicieux à l'œil. Ensuite, nous
faisons ici, comme en France : nous abusons
du troussage et nous l'appliquons à tous
les cas alors que ce mode dengraissement,
si on peut dire ainsi, ne convient pas à la
généralité des sujets.
Il y a beaucoup à dire sur cette partie du
métier, mais pour le moment montrons-nous
satisfaits d'un tirage qui n'a peut-être que
bien peu de chose à gagner pour réaliser le
progrès entrevu et saluons de tout notre
cœur la tentative nouvelle des Aquafortistes
d'Anvers qui démontre une fois de plus tout
ce que cette ville renferme de vitalité ar-
tistique.
UN NOUVEAU JOURNAL.
Un homme de talent, de cœur et d'énergie,
M. Emile Valentin, vient de fonder une pu-
blication littéraire intitulée : Journal des
gens de lettres belges. 11 faut, on voudra bien
en convenir, un certain courage pour venir
à une époque pornographique comme la
notre, parler le langage austère et élevé de
la véritable critique et de la poésie honnête.
M. Valentin ne se dissimule point la difficulté
de sa tâche; il appréhende même qu'en di-
sant la vérité à tous il aura à regretter la
perte de plus d'une relation agréable. Nul
plus que nous n'approuve la nécessité du
plan loyal de notre confrère et c'est avec un
sentiment de confraternité respectueuse que
nous tendons la main à cet honnête homme ;
mais saura-t-il dissiper cette atmosphère
de tous côtés malsaine qui nous enveloppe
et qui finira peut-être par nous étouffer?
Au moment où nous recevions les premiers
numéros de ce journal, nous coupions les
feuillets du Po'lybiblion de France qui, en
parlant de Van Bemmel mort récemment,
rendait hommage à son talent et disait qu'il
était presque seul en Belgique a tenir le
sceptre de la critique littéraire, mais, ajoute
l'auteur, Van Bemmel avait organisé la con-
spiration du silence autour de tous les ou-
vrages dont les idées ne reflétaient point les
siennes. C'est là le mal dont nous souffrons,
c'est ce manque de loyauté qui tue chez nous
toute aspiration élevée et qui empêche un
public de se former.
M. Valentin, en promettant d'être juste
envers les uns et les autres, déplaira néces-
sairement aux uns comme aux autres. Cette
situation est fatale, mais peut-être parvien-
dra-t-il à se créer entre les deux courants
une position relativement prospère. Nous
disons : peut-être!... Dans tous les cas elle
ne pourra qu'honorer ses intentions et sa
conduite.
Les deux numéros parus nous font bien
augurer de l'instinct du journal Ce sont des
articles de critique très courts, ce qui est
adroit. Ce sont les réimpressions d'anciennes
poésies belges oubliées ou inconnues, ce qui
est patriotique; c'est une chronique litté-
raire recueillant les faits, les on-dit, les
promesses, les actualités, etc. Viennent en-
suite des pièces de vers plus au moins iné-
dites, un Bulletin bibliographique, puis enfin
une sorte de feuilleton destiné aux fantaisies
littéraires. Ce cadre est simple et, sous la
direction de M. Valentin, il ne sera pas diffi-
cile à remplir.
Il faut surtout le louer d'avoir donné à
son entrée en scène une allure simple et
modeste. Depuis un quart de siècle combien
n'en avons-nous pas vu mourir de feuilles
de ce genre s'annonçant à grands coups de
caisse et au bruit d'une sonore musique
d'orchestre! Hélas, elles sont mortes sans
le moindre tambour ni la moindre trompette
et nul ne sait même comment elles s'appe-
laient ici-bas.
Le Journal des gens de lettres belges vivra
longtemps, non pas si on le veut, mais s'il le
veut. Il ne lui faut pour cela qu'une ligne de
conduite invariable; le mépris du vulgaire,
le soif du beau, le respect de tous.
LES GRANDES PUBLICATIONS MODERNES
histoire générale de la tapisserie.
[Livraisons : 14, 15 et 16).
Cette somptueuse publication, conduite avec
grand savoir, se développe et s'épanouit régu-
lièrement en magnificences topographiques de
premier ordre et en pages bourrées d'érudi-
tion.
Quatorzième livraison : Episode du siège de
Troie (photoglyphie). Tapisserie du xve siècle
provenant d'Arras ou de Tournai. Cette cu-
rieuse reproduction ne se trouve point accom-
pagnée du texte qui l'expliquerait. Le système
adopté par les éditeurs n'a pas permis aux
auteurs de placer immédiatement en regard
de leur travail les inappréciables modèles
reproduits. Ce n'est qu'à la fin de l'ouvrage
que cette classification méthodique pourra se
faire ; nous sommes donc réduits pour le
moment à ne pouvoir apprécierque l'exécution
de la planche. Donc, disons que la photo-
glyphie que nous avons sous les yeux a ,
au point de vue historique, une valeur plus
grande peut-être que l'original dont les cou-
leurs n'accentuent pas les détails avec la même
clarté que le noir et le blanc seuls. La même
observation peut s'appliquer à la page sui-
vante, reproduisant par le même procédé, la
Levée du siège de Dôle en 1477, tapisserie
admirable, vaste tableau d'histoire, des fabri-
ques de Bruges, reproduite au bistre. L'Her-
cule et Atlas des fabriques de Bruxelles (?) est
un assez curieux échantillon du mauvais goût
ornemental du xve siècle. Le Mois d'octobre,
dont le dessin est attribué à Luc de Leyde, est
une planche des plus intéressantes. Le sys-
tème d'ornementation qui s'y développe,
quoique d'un goût douteux, a des audaces
artistiques qui dénotent chez celui qui l'a
conçu, un sentiment très primesautier de la
composition. La planche est imprimée en tons
de bronze verdâtre.
Quinzième livraison : Le triomphe de Bac-
chits, d'après Coypel. Tapisserie des Cobelins;
planche en couleurs. Composition assez froide
quoique empruntée à Mantegna. La planche
reproduit l'apparence un peu uséé de la pièce.
Cette circonstance sur laquelle nous appuyons
est à nos yeux un des grands mérites du re-
cueil où le même système a été suivi pour
toutes les reproductions. La Chasse de Méléa-
gre, composition assez lourde de Charles de
Coomans (i) dont il ne faut relever que l'élé-
gante et riche bordure. On doit en dire à peu
près autant de la planche qui suit. Toutes
deux sont tirées dans un ton bleuté. Bataille
de Constantin : Composition d'une fière allure,
très claire et d'une belle venue. Tirée en
bistre. Un Apollon, composé à l'italienne, par
Coypel, forme le sujet de la quatrième planche
tirée en bistre. On en remarquera les orne-
ments supérieurs à ceux de l'Apollon.
Seizième livraison : Le mariage de Louis
XIV, d'après Lebrun. Belle planche bleutée
d'un grand intérêt; bien venue. I^e siège de
Douai, du même, planche bistrée, très mouve-
mentée dont on remarquera, après le sujet
principal très heureux, la bordure qui repro-
duit à droite et à gauche quelques victoires du
Roy l.avisite de LouisXIV aux Gobelins forme
le sujet de la troisième planche, vigoureuse-
ment tirée en bistre et supérieurement clichée.
Le château de Yincennes est la dernière
planche de cetle livraison. Malgré l'effacement
des fonds, cette tapisserie forme une sorte de
décor des plus élégants.
Nous devons remettre à la fin de l'ouvrage
l'appréciation que nous en voudrions faire au
point de vue historique; le mode de publica-
tion nous y oblige. En attendant, constatons
que MM. J. Guiffrey, E. Muntz et Al. Pinchart,
dans les notices que nous avons déjà d'eux,
déploient des trésors d'érudition et font
preuve d'une opiniâtreté de travail dont la
faveur et la reconnaissance publiques ne man-
queront pas de les récompenser. M. Léon
Vidal, qui dirige fa partie iconographique,
n'aura point en cela la plus petite part. Ne né-
gligeons pas de relever les nombreuses illustra-
tions du texte dont la plupart sont d*un réel
intérêt historique; nous ne les oublierons pas
lors du compte-rendu du livre en lui-même.
(1) Nous serions reconnaissants envers les per-
sonnes qui voudront bien nous communiquer quel-
ques renseignements sur cet artiste qu'il ne faut
sans doute pas confondre avec Alexandre et Marc
Coomans, tapissiers ou Comans.