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L'élève prenait une part directe, active à la produc-
tion de l'œuvre du maître, il aidait à la préparer, des-
sinait des études et parfois même, mais sous une
stricte surveillance, il devait achever quelque groupe
ou quelque figure séparée. Il a été dernièrement
prouvé qu'il y a plusieurs dessins de Pinturicchio
dans la Remise des Clefs à St-Pierre peinte par le
Pérugin, à la chapelle Sixtine (1) ; et personne n'ignore
que Léonard de Vinci a puissamment contribué par
son Ange, au succès du"Baptême du Christ, de Ver-
rocchio (2). D'un autre côté, c'était chose parfaitement
admise et permise, que l'élève s'en tint, pour ses
propres compositions, aux esquisses et aux plans du
maître ; de là devait nécessairement résulter que les
œuvres juvéniles portaient, pour la plupart, le cachet
spécifique de ce dernier et lui étaient même souvent
attribuées. Un critique éminent a démontré, de la ma-
nière la plus frappante, que le plus célèbre des maîtres
de la Renaissance, n'avait pas dédaigné d'adopter cer-
tains modèles, certains types : il a indiqué d'après des
tableaux qui se trouvent à Berlin, Rome, St-Péters-
bourg, Londres, Milan, Pérouse, Florence et St-Se-
vero, que Raphaël s'était inspiré de quelques esquisses
de Pinturicchio, du Pérugin et de Fra Bartolommeo(3).

On conçoit qu'en pareil cas, nul ne songeait à traiter
cela de plagiat, mais, par contre, les rapports entre
peintres et graveurs étaient compris d'une tout autre
façon. On considérait comme une emprise sur le bien
d'autrui, le fait de reproduire une œuvre au moyen du
burin ou de la gravure sur bois sans l'autorisaton de
l'auteur. Toute l'histoire artistique des xve et xvie siè-
cle est pleine de ces éternelles contestations, de plaintes
à propos de dommages subis, de droits violés : par-
tout on réclamait la défense de la propriété artistique
encore bien moins garantie alors que de nos jours.
Les artistes avaient à se défendre non seulement contre
les procédés peu délicats des étrangers mais même
contre leurs propres compatriotes. Qui ne connaît les
lamentations de Durer ! Il nous est parvenu une de
ses lettres, adressée de Venise à un certain Pirkhei-
mer, et qui contient ce passage : « Beaucoup me sont
hostiles et copient mon ouvrage dans les églises et par-
tout où ils peuvenf en rencontrer ! (1). » Le même
Durer se vit forcé de donner à sa Vie de Marie ainsi
qu'à ses livres illustrés l'énergique sauf-conduit conçu
en ces termes : « Malheur à toi, voleur du travail et
du génie d'autrui ; garde-toi de porter une main

(1) Comparer Lermolieff : Œuvres des Maîtres
italiens, page 316-317.

(2) Vasari, Ed. Le Monnier, tome 5, page 146 ;
tome 7, page 15. ( etc. III : Lettres de Durer, Journal et Rimes, publiés

(3) Voir l'Essai d'Iwan Lermolieff intitulé : Pérugin par Maurice Thausing, page 6.

ou Raphaël ? quelques mots de défense, page 243-252,
et page 273-282 dans le volume XVI du Journal des
Arts.

(1) Comparer : Documents pour l'histoire de l'art,

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audacieuse sur cette œuvre qui est nôtre. » — Les
fâcheuses expériences que le grand maître allemand
avait faites avec Marc-Antoine, justifient pleinement de
semblables menaces (1).

Le but de la présente étude est d'indiquer un
plagiat qu'un graveur allemand a commis au détri-
ment d'un italien. L'Allemand s'appelait D. Hopfer,
l'Italien André Mantegna. Il est connu que ce chef de
l'école de Padoue n'entendait pas la plaisanterie en
pareille matière. J'ai déjà démontré, en temps et lieu,
à l'aide d'un document aux archives de Gonzague, à
l'aide d'une lettre de plaintes adressée par un certain
Simon de Ardizoni, artiste à Reggio, au marquis
Ludovico, de quels moyens énergiques Mantegna se
servait quand d'effrontés parasites s'appropriaient les
productions de son génie. Il n'avait pas de repos
jusqu'à ce qu'il les eut anéantis moralement (2) ; et il
eut sans doute agi avec la même rigueur, si l'image
qui doit nous occuper aujourd'hui lui était tombée
sous les yeux.

La famille des Hopfer, souche d'artistes s'il en fui,
puisqu'elle a produit trois maîtres remarquables :
Lambrecht (Lambert), Hieronymus (Jérôme) et
D. Hopfer, florissait principalement dans les vingt
premières années du seizième siècle. Sur les gravures
de Jérôme se trouvent les dates 1520, 1521 et 1523,
une feuille de D. Hopfer est datée 1527 (3). Ils ne
sont, ni l'un ni l'autre, dignes de figurer au premier
rang : surtout Lambert et Jérôme sont des graveurs
sans invention, secs, durs, paraissant moins cultiver
un art que faire un métier, mais toutefois le faisant
bien, ce métier, avec une étonnante faculté d'assimi-
lation, de ressemblance. Le premier travaille hardi-
ment d'après Giovan Anton da Brescia et Durer
(comparer Bartsch : Nos 1-20, 23-26); le second
d'après Giovan Anton da Brescia, d'après Durer,
Marc-Antoine, Raphaël, Campagnola, Agostino Vene-
ziano, Mantegna, Jacopo de Barbari et Lucas Kra-
nach (comparer Bartsch : N° 26; Nos 1-3, 5 et 6,8-13,
15 et 16, 18 et 19, 33,42, 43, 45; N°s7, 24, 27, 38, 41;
N046; N°44; Nos 29, 40, 47; N°s 4, 20, 23, 30-32,
36, 39; N° 34).

Le plus personnel des trois est encore D. Hopfer,
bien que lui aussi aime à se parer à l'occasion de
plumes étrangères et à travailler d'après Durer, Burg-
maîr, Raphaël et Mantegna (Bartsch : N° 68; N° 53-
55; N° 3; N03 o, 47, 48, 49). Mantegna surtout paraît
avoir séduH l'Allemand; en première ligne vinrent
naturellement ses eaux-fortes : il copia le Combat des
Tritons et une partie de la Bacchanale. 11 n'est pas
étonnanf que, vu les rapports fréquents qui existaient
alors entre le sud de l'Allemagne et l'Italie, particu-
lièrement Venise, des gravures italiennes aient aussi
franchi les Alpes. De là il est aisé de supposer que
Hopfer a pu, sans sortir de son pays, s'approprier la
feuille dont il est ici question. Pourtant il ne faut pas
exclure la possibilité qu'il ait collectionné aussi en
Italie, des gravures de Mantegna : nous examinerons
cela plus tard. Il lui a au moins été donné de contem-
pler les créations monumentales de ce maître à Pa-
doue, cela ressort à l'évidence d'une gravure que

(1) Voir la Biographie de Durer de Thausing,
pages 252-255.

(2) Journal des arts instructifs, ann. XI, PP.54-5C.

(3) Voir Bartsch, Peintre graveur, vol. 8, pp. 471-
533, et Passavant, Peintre graveur, III, pp. 288-292.
 
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