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Perrot, Georges; Chipiez, Charles
Histoire de l'art dans l'antiquité: Egypte, Assyrie, Perse, Asie Mineure, Grèce, Étrurie, Rome (Band 3): Phénice - Cypre — Paris, 1885

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https://doi.org/10.11588/diglit.11735#0073

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LA RELIGION. 63

abord : les Phéniciens ne paraissent pas même avoir soupçonné qu'une
grande révolution religieuse commençait à s'accomplir tout près de
chez eux, dans cette Judée dont ils n'étaient séparés ni par des obstacles
naturels ni par aucune barrière morale. En fins négociants qu'ils
étaient, ils se tenaient au courant de toutes les inventions et de tous
les progrès; aucun nouvel article ne pouvait paraître sur un marché
quelconque qu'ils ne se hâtassent de prendre leurs mesures pour le
fournir aussitôt à lous leurs clients, proches ou lointains; mais quel
profit auraient-ils pu trouver à répandre le culte du dieu jaloux que
prêchaient les prophètes juifs, de ce dieu qui, se refusant à toute asso-
ciation et à tout partage, ne voulait même pas que la sculpture lui
prêtât un corps? Par crainte et en haine des idoles, ce dieu n'allait-il
pas jusqu'à proscrire toute représentation de l'homme et de l'animal1 ?
Jamais la Grèce ne se fût soumise à cette dure condition; elle avait
trop l'amour des belles formes; les sociétés chrétiennes, quand elles
adoptèrent une religion issue du judaïsme, furent conduites par ce
même sentiment et par les habitudes prises à chercher et à trouver le
moyen d'éluder ces prescriptions. Quant aux Phéniciens, ce n'étaient
pas, comme le furent les Grecs, des artistes tourmentés du désir de
reproduire le beau; mais le souci de leurs intérêts devait suffire à les
détourner d'une doctrine qui avait de pareilles exigences. Pendant des
siècles, un de leurs principaux commerces fut celui des images. Sur
tous ces objets en verroterie et en ivoire, en terre cuite et en métal
qu'ils semaient à mains ouvertes dans tout le bassin de la Méditerranée,
les figures abondaient, figures d'animaux réels ou factices, figures
d'hommes et de dieux. Les Phéniciens fabriquaient des dieux pour
l'exportation ; dans toutes les îles et sur toutes les côtes de la mer Egée
on retrouve les statuettes de leur grande déesse Astarté (fig. 20), celles
de Bes2, ce dieu qu'ils avaient peut-être prêté à l'Egypte (fig. 21), celles
enfin de ces dieux nains dont les Grecs firent leurs pygmées (fig. 22).

Ce qui concourut encore à détourner les Phéniciens de ces hautes
doctrines vers lesquelles tendaient leurs voisins de Palestine, ce fut
l'état de morcellement où s'obstina toujours à vivre, en Syrie, la race
phénicienne. Des villes où la vie municipale est très intense répugnent

1. « Tu n'auras point d'autre dieu devant ma face. Tu ne te feras point d'image tail-
lée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont
en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras
point devant elles, et tu ne les serviras point. » Exode, XX, 3-5.

2. Heuzey, Sur quelques représentations du dieu grotesque appelé Bès par les Égyptiens
(dans les Comptes rendus de l'Académie des inscriptions, 1879, p. 140-147).
 
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