346
REVUE ARCHEOLOGIQUE.
A M. Alex. Bertrand, directeur de la Revue Archéologique.
Monsieur le Directeur,
J’ai lu avec tout le soin possible le mémoire de M. Mariette sur la stèle
de l’an 400 ; voici les réflexions qu’il m’inspire et qu’il me semble utile de
publier. Je ne fais aucune difficulté de reconnaître que j’avais pensé au
premier coup d’œil, qu’il n’y aurait qu’une manière d’interpréter la prin-
cipale phrase de cette inscription, et qu’il en fallait conclure que Ramsès II,
réclamait le roi pasteur pour son ancêtre. Tout en remarquant que la
mention n’était pas claire, je ne croyais pas qu’on pût y trouver d’autre
sens. Je puis m’être trompé sur ce point, puisque mon savant confrère et ami
y voit tout autre chose. 11 convient néanmoins lui-même que telle est la
première idée qui se présente à l’esprit ; j’ajoute aujourd’hui qu’après
mûre réflexion, cette interprétation me paraît encore la plus naturelle, et
voici pourquoi : l’inscription annonce évidemment le nom d’un royal an-
cêtre ; or, si ce n’est pas le cartouche nubti {1) qui est ainsi annoncé, le
monument manque absolument son but. Dans l’inscription d’Abou-Sey-
feh que M. Mariette compare à la stèle de San, le nom annoncé se trouve
tout au long : Séti veut établir (er-ta-men) le nom de son père devant le
dieu, il l’y établit en effet; il le cite avec ses deux cartouches. Dans les
formules analogues qui accompagnent les tables des ancêtres, les noms
annoncés sont là, et justifient également le dire du roi dédicateur.
La formule de San est d’ailleurs un peu différente. Le roi « fait faire
« une stèle de granit, au grand nom de ses pères, dans le dessein d’élever
« (se-ha) (2), le nom du père de ses pères, etc. » Ainsi c’est la stèle elle-
même, ce n’est pas une scène sculptée sur une muraille voisine, qui est
destinée à cette œuvre de commémoration. Où est le nom de cet ancêtre,
si la mention du roi Nubti se rapporte à tout autre chose? Il manquerait
absolument dans la stèle.
Je n’insiste pas aujourd’hui sur ce sujet qui est destiné probablement à
défrayer de longues discussions; mais, je persiste à penser que la liaison
entre la famille de Ramsès et le descendant des pasteurs, déjà indiquée
peut-être par le nom de Séti 1, est la conséquence la plus probable du
texte curieux publié par M. Mariette. 400 ans et toutes les alliances qui
ont pu survenir dans cet espace de temps, suffisent bien pour expliquer
la différence des physionomies qui est en effet incontestable, quoique le
profil de Ramsès rappelle de son côté le type syrien.
Mon savant confrère a donné avec raison une grande attention à la forme
de l’année indiquée dans cette date si précieuse. Toutes les personnes qui
ont étudié, avec l’intérêt qu’ils méritent, les nouveaux matériaux pour le 1 2
(1) Ou Nubti-Set : je reconnais que ces deux lectures sont très-admissibles l’une
et l’autre.
(2) Se-ha, élever, probablement dans le sens d’exalter et non pas er-ta-men « éta-
blir devant le dieu, » comme à Abou-Seyfeb.
REVUE ARCHEOLOGIQUE.
A M. Alex. Bertrand, directeur de la Revue Archéologique.
Monsieur le Directeur,
J’ai lu avec tout le soin possible le mémoire de M. Mariette sur la stèle
de l’an 400 ; voici les réflexions qu’il m’inspire et qu’il me semble utile de
publier. Je ne fais aucune difficulté de reconnaître que j’avais pensé au
premier coup d’œil, qu’il n’y aurait qu’une manière d’interpréter la prin-
cipale phrase de cette inscription, et qu’il en fallait conclure que Ramsès II,
réclamait le roi pasteur pour son ancêtre. Tout en remarquant que la
mention n’était pas claire, je ne croyais pas qu’on pût y trouver d’autre
sens. Je puis m’être trompé sur ce point, puisque mon savant confrère et ami
y voit tout autre chose. 11 convient néanmoins lui-même que telle est la
première idée qui se présente à l’esprit ; j’ajoute aujourd’hui qu’après
mûre réflexion, cette interprétation me paraît encore la plus naturelle, et
voici pourquoi : l’inscription annonce évidemment le nom d’un royal an-
cêtre ; or, si ce n’est pas le cartouche nubti {1) qui est ainsi annoncé, le
monument manque absolument son but. Dans l’inscription d’Abou-Sey-
feh que M. Mariette compare à la stèle de San, le nom annoncé se trouve
tout au long : Séti veut établir (er-ta-men) le nom de son père devant le
dieu, il l’y établit en effet; il le cite avec ses deux cartouches. Dans les
formules analogues qui accompagnent les tables des ancêtres, les noms
annoncés sont là, et justifient également le dire du roi dédicateur.
La formule de San est d’ailleurs un peu différente. Le roi « fait faire
« une stèle de granit, au grand nom de ses pères, dans le dessein d’élever
« (se-ha) (2), le nom du père de ses pères, etc. » Ainsi c’est la stèle elle-
même, ce n’est pas une scène sculptée sur une muraille voisine, qui est
destinée à cette œuvre de commémoration. Où est le nom de cet ancêtre,
si la mention du roi Nubti se rapporte à tout autre chose? Il manquerait
absolument dans la stèle.
Je n’insiste pas aujourd’hui sur ce sujet qui est destiné probablement à
défrayer de longues discussions; mais, je persiste à penser que la liaison
entre la famille de Ramsès et le descendant des pasteurs, déjà indiquée
peut-être par le nom de Séti 1, est la conséquence la plus probable du
texte curieux publié par M. Mariette. 400 ans et toutes les alliances qui
ont pu survenir dans cet espace de temps, suffisent bien pour expliquer
la différence des physionomies qui est en effet incontestable, quoique le
profil de Ramsès rappelle de son côté le type syrien.
Mon savant confrère a donné avec raison une grande attention à la forme
de l’année indiquée dans cette date si précieuse. Toutes les personnes qui
ont étudié, avec l’intérêt qu’ils méritent, les nouveaux matériaux pour le 1 2
(1) Ou Nubti-Set : je reconnais que ces deux lectures sont très-admissibles l’une
et l’autre.
(2) Se-ha, élever, probablement dans le sens d’exalter et non pas er-ta-men « éta-
blir devant le dieu, » comme à Abou-Seyfeb.