RECHERCHES SUR L’HISTOIRE DE LA PARABOLE DE LA VIGNE. 471
Les quelques pages que l’on'vient de lire suffiraient seules à faire
voir comment l’Évangile était le livre où les premiers fidèles cher-
chaient la règle de toute chose. A étudier l’histoire du texte saint, on
voit, selon la vertu, la faiblesse ou la perversité de l’homme, en dé-
couler en même temps l’interprétation pieuse, l’erreur vénielle,
l’hérésie et jusqu’au blasphème médité. Les filles indignes qui, au
temps de saint Jérôme, scandalisaient le monde et prétendaient se
couvrir par le mot de l’apôtre : Tout est pur pour ceux qui sont
purs, riaient et répétaient en s’enivrant : « Dieu me garde de m’abs-
« tenir du sang du Christ (1) ! »
Ces rares et coupables exemples ne pouvaient, à coup sûr, préoc-
cuper les pasteurs des âmes. Saint Jérôme les mentionne en passant
et ledégoùt suffità en faire justice. Mais il était chez les fidèles des
erreurs plus inquiétantes, parce que, mal compris, le texte sacré lui-
même pouvait sembler les appuyer.
Telle était l’ancienne coutume de différer le baptême, coutume qui,
malgré les incessantes adjurations des Pères, avait persisté à ce
point que le surnom de Pagarnis, donné à ceux qui tardaient à rece-
voir le sacrement régénérateur, s’est répandu chez nous jusqu’à pro-
duire un nom de famille des plus fréquents (2).
L’Église multipliait pourtant les enseignements et les leçons. « Hâ-
te tez-vous, disait saint Chrysostôme, et ne vous répétez pas que Dieu
« est plein de clémence; plus d’un qui se livrait sans crainte au pé-
« ché, dans l’attente du sacrement qui l’efface, est mort sans l’avoir
« pu recevoir. Souvenez-vous que le trépas peut vous surprendre,
« comme fait un voleur venu la nuit (3). »
Saint Grégoire de Nysse montrait par un terrible exemple le dan-
ger de la temporisation : « Je veux, disait-il, vous raconter l’his-
« toire d’un malheureux qui ne reçut point le gage de la suprême
« espérance, et qui chercha l’eau sainte quand elle lui fit défaut. 11
« y a peu de temps, lorsque l’incursion des Scythes nomades désola
« une grande partie du pays, dans la cité de Comane, qui est proche,
« un jeune homme, nommé Archias, noble de naissance, et qui, je
« le savais, voyait avec une grande douleur les maux de sa patrie,
(Homil. III, in Acta Apost, §. 5.) Voir encore, sur la fuite des prêtres à l’heure
du danger, saint Cyprien, Epist. XXXIV, éd. Goldhorn, Presbyteris et diaconibus
fratribus, § h.
(1) Hieron., Epist. XXII, ad Eustochium, § 13.
(2) Du Cange, Glossurhoc verbo; Notœ in AlexiacL, p. 386; Mabillon, De re
diplomatica,\.ll, c. vu, § 7.
(3) Homil. XXIII, iri Acta apost., § 6 (t. IX, p. 190).
Les quelques pages que l’on'vient de lire suffiraient seules à faire
voir comment l’Évangile était le livre où les premiers fidèles cher-
chaient la règle de toute chose. A étudier l’histoire du texte saint, on
voit, selon la vertu, la faiblesse ou la perversité de l’homme, en dé-
couler en même temps l’interprétation pieuse, l’erreur vénielle,
l’hérésie et jusqu’au blasphème médité. Les filles indignes qui, au
temps de saint Jérôme, scandalisaient le monde et prétendaient se
couvrir par le mot de l’apôtre : Tout est pur pour ceux qui sont
purs, riaient et répétaient en s’enivrant : « Dieu me garde de m’abs-
« tenir du sang du Christ (1) ! »
Ces rares et coupables exemples ne pouvaient, à coup sûr, préoc-
cuper les pasteurs des âmes. Saint Jérôme les mentionne en passant
et ledégoùt suffità en faire justice. Mais il était chez les fidèles des
erreurs plus inquiétantes, parce que, mal compris, le texte sacré lui-
même pouvait sembler les appuyer.
Telle était l’ancienne coutume de différer le baptême, coutume qui,
malgré les incessantes adjurations des Pères, avait persisté à ce
point que le surnom de Pagarnis, donné à ceux qui tardaient à rece-
voir le sacrement régénérateur, s’est répandu chez nous jusqu’à pro-
duire un nom de famille des plus fréquents (2).
L’Église multipliait pourtant les enseignements et les leçons. « Hâ-
te tez-vous, disait saint Chrysostôme, et ne vous répétez pas que Dieu
« est plein de clémence; plus d’un qui se livrait sans crainte au pé-
« ché, dans l’attente du sacrement qui l’efface, est mort sans l’avoir
« pu recevoir. Souvenez-vous que le trépas peut vous surprendre,
« comme fait un voleur venu la nuit (3). »
Saint Grégoire de Nysse montrait par un terrible exemple le dan-
ger de la temporisation : « Je veux, disait-il, vous raconter l’his-
« toire d’un malheureux qui ne reçut point le gage de la suprême
« espérance, et qui chercha l’eau sainte quand elle lui fit défaut. 11
« y a peu de temps, lorsque l’incursion des Scythes nomades désola
« une grande partie du pays, dans la cité de Comane, qui est proche,
« un jeune homme, nommé Archias, noble de naissance, et qui, je
« le savais, voyait avec une grande douleur les maux de sa patrie,
(Homil. III, in Acta Apost, §. 5.) Voir encore, sur la fuite des prêtres à l’heure
du danger, saint Cyprien, Epist. XXXIV, éd. Goldhorn, Presbyteris et diaconibus
fratribus, § h.
(1) Hieron., Epist. XXII, ad Eustochium, § 13.
(2) Du Cange, Glossurhoc verbo; Notœ in AlexiacL, p. 386; Mabillon, De re
diplomatica,\.ll, c. vu, § 7.
(3) Homil. XXIII, iri Acta apost., § 6 (t. IX, p. 190).