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LES RUINES d’aRAQ-EL-ÉMIR.
doutes de cel esprit investigateur, qui aujourd’hui poursuit avec
l’ardeur d’une conviction arrêtée le développement de ses idées
premières.
M. de Vogüé a vu la Syrie avec detout autres yeux. Dans le cours
de ses longues et savantes explorations, il semble, contrairement à
ce qui était arrivé à son devancier, n’avoir rencontré que des mo-
tifs de se rattacher davantage à l’autorité des maîtres. A la lumière
de leur enseignement, tout lui a paru simple et clair dans la chro-
nologie des monuments de l’orient: qu’il s’agisse du Haram-ech-
Cherif, d’Araq-el-emir, ou des inscriptions de la vallée de Josaphat,
les solutions classiques le satisfont complètement. Là où M. de
Saulcy voit mille problèmes nouveaux à résoudre, des textes con-
tradictoires à concilier, des bizarreries de construction à expliquer,
des énigmes épigraphiques à déchiffrer, M. de Vogüé ne trouve
qu’une occasion d’exposer, avec l’assurance d’une science qui ne
connaît pas le doute, des vérités incontestables. On peut lire en
entier sa belle publication sur le temple de Jérusalem sans se
douter que le sujet qu’il traite puisse devenir matière au moindre
débat.
J’avoue que, dès le principe, cette quiétude du voyageur m’a in-
quiété. Je sais bien que M. de Vogüé fait un livre et non des mé-
moires académiques: il ne cherche pas la vérité, il donne le résultat
de ses recherches, et la méthode d’exposition n'est pas la même que
la méthode d’investigation. M. de Vogüé a un (aient d’exposition remar-
quable, U aurait tort sans doute de n’en pas profiter. Mais est-ce
une raison pour ne pas laisser même entrevoir que le questions
offrent de sérieuses difficultés, quand ce ne serait que pour dire
qu’on les a résolues? Ainsi M. de Vogüé cite un certain nombre de
textes ou plutôt de fragments de texte de Josèpbe, parfaitement d’ac-
cord entre eux et qui semblent, ainsi groupés, n’offrir aucune obscu-
rité. Ouvrez Josèphe, votre impression,comme vient de le démontrer
M. de Saulcy devant l’Académie, sera bien différente. Il y avait un
véritable mémoire à faire sur l’ensemble de ces textes disparates.
Comment M. de Vogüé, au moins en note, n’en-a-t-il pas dit un mot?
Nous ne pouvons pas croire qu’il n’a pas été frappé de ces diver-
gences dans les assertions de l’historien qu’il choisit pour guide;
si donc il rfa pas justifié aux yeux du public le choix fait par lui,
dans un ouvrage scientifique, de certains textes au détriment de cer-
tains autres, c’est qu’il n'a pas cru que la chose en valût la peine.
Il a vu les difficultés sans en pénétrer toute f importance.
Cette tendance à n’être frappé que de ce qui entre dans un certain
LES RUINES d’aRAQ-EL-ÉMIR.
doutes de cel esprit investigateur, qui aujourd’hui poursuit avec
l’ardeur d’une conviction arrêtée le développement de ses idées
premières.
M. de Vogüé a vu la Syrie avec detout autres yeux. Dans le cours
de ses longues et savantes explorations, il semble, contrairement à
ce qui était arrivé à son devancier, n’avoir rencontré que des mo-
tifs de se rattacher davantage à l’autorité des maîtres. A la lumière
de leur enseignement, tout lui a paru simple et clair dans la chro-
nologie des monuments de l’orient: qu’il s’agisse du Haram-ech-
Cherif, d’Araq-el-emir, ou des inscriptions de la vallée de Josaphat,
les solutions classiques le satisfont complètement. Là où M. de
Saulcy voit mille problèmes nouveaux à résoudre, des textes con-
tradictoires à concilier, des bizarreries de construction à expliquer,
des énigmes épigraphiques à déchiffrer, M. de Vogüé ne trouve
qu’une occasion d’exposer, avec l’assurance d’une science qui ne
connaît pas le doute, des vérités incontestables. On peut lire en
entier sa belle publication sur le temple de Jérusalem sans se
douter que le sujet qu’il traite puisse devenir matière au moindre
débat.
J’avoue que, dès le principe, cette quiétude du voyageur m’a in-
quiété. Je sais bien que M. de Vogüé fait un livre et non des mé-
moires académiques: il ne cherche pas la vérité, il donne le résultat
de ses recherches, et la méthode d’exposition n'est pas la même que
la méthode d’investigation. M. de Vogüé a un (aient d’exposition remar-
quable, U aurait tort sans doute de n’en pas profiter. Mais est-ce
une raison pour ne pas laisser même entrevoir que le questions
offrent de sérieuses difficultés, quand ce ne serait que pour dire
qu’on les a résolues? Ainsi M. de Vogüé cite un certain nombre de
textes ou plutôt de fragments de texte de Josèpbe, parfaitement d’ac-
cord entre eux et qui semblent, ainsi groupés, n’offrir aucune obscu-
rité. Ouvrez Josèphe, votre impression,comme vient de le démontrer
M. de Saulcy devant l’Académie, sera bien différente. Il y avait un
véritable mémoire à faire sur l’ensemble de ces textes disparates.
Comment M. de Vogüé, au moins en note, n’en-a-t-il pas dit un mot?
Nous ne pouvons pas croire qu’il n’a pas été frappé de ces diver-
gences dans les assertions de l’historien qu’il choisit pour guide;
si donc il rfa pas justifié aux yeux du public le choix fait par lui,
dans un ouvrage scientifique, de certains textes au détriment de cer-
tains autres, c’est qu’il n'a pas cru que la chose en valût la peine.
Il a vu les difficultés sans en pénétrer toute f importance.
Cette tendance à n’être frappé que de ce qui entre dans un certain