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DES ORIGINES DE LA MOMIFICATION
claires, ne heurtant jamais un fait précis, pourra jeter quelque jour même sur une ques-
tion historique. Chemin faisant, d'ailleurs, elle se vérifiera par des textes, qui s'imposent,
eux aussi, avec la brutalité de faits, en attendant une vérification par des preuves d'un
autre ordre.
Entre les trois modes de sépultures, constatés par M. Wiedemann, y a-t-il l'op-
osition radicale qu'il suppose? Y a-t-il incompatibilité absolue entre eux et l'usage
classique de la momification?
Je m'efforcerai d'établir que non.
Sans doute, je n'aurai point démontré qu'une seule et même race ait passé de l'un
à l'autre usage. Mais, en prouvant la possibilité de la filiation, j'aurai frayé la voie à
des hypothèses plus simples, plus conciliatrices, plus vraisemblables, que celles aux-
quelles il faudrait avoir recours en partant du principe opposé pour expliquer les mêmes
faits et reconstituer l'histoire des origines de l'Egypte. Je n'aurai point, toutefois, pré-
jugé la solution et laisserai à des découvertes ultérieures le soin de trancher la question si,
en réalité, divers peuples ont concouru sur le sol égyptien à l'évolution d'une même idée.
11 est admis que tout rite observé dans les sépultures révèle, avec un certain respect
pour la personnalité disparue, la croyance à l'immortalité de quelque principe distinct
du corps. Mais les divers modes d'inhumation dénotent en outre la conviction que, après
la mort physiologique, la survivance de ce principe, quel qu'il soit, dépendait de la
conservation du corps qu'il avait animé pendant la vie.
Ces croyances inspirèrent également tous les genres de sépulture dans l'Egypte
archaïque.
On couche sur le flanc au fond d'une fosse le mort replié sur lui-même : veut-on,
par cette attitude semblable à celle du fœtus, marquer l'espoir d'une renaissance future?
Peut-être : des modernes le conjecturent1. Mais n'est-ce point avant tout pour que les
restes du mort, occupant le moins d'espace possible, soient le mieux à l'abri contre toute
profanation soit par les humains, soit par les animaux de proie? En tout cas, de l'inhu-
mation appert un évident désir de préservation. Est-ce k dire que l'on se fasse illusion
sur le sort réservé au cadavre? Du moins essaye-t-on ou bien de prolonger l'usage que
fait du corps l'âme ou de quelque nom qu'on appelle ce qui survit de la personne hu-
maine, ou bien de faciliter une reprise de possession ultérieure pour un usage nouveau.
Mais voici d'autres cadavres. Ils n'ont pas été ensevelis intacts. Avant d'être confiés
à la tombe, les membres ont été tranchés, dépecés, décharnés; les chairs, au lieu de se
consumer Lentement sur les os, ont été violemment enlevées et détruites; les os n'oc-
cupent plus leur place respective. Faut-il en inférer qu'une autre race ou une autre
génération soit venue, moins respectueuse de la mort, moins convaincue de la nécessité
du support matériel de la personne. Mais alors pourquoi enfermer dans la tombe
toujours le même mobilier funéraire? pourquoi laisser encore subsister les ossements?
pourquoi même, dans certains cas, appliquer en quelque endroit de ce cadavre2, dont
1. Wiedemann, op. cit., p. 211, s'appuyant, dans la note 4, sur le symbolisme de la vignette du cha-
pitre xxv au Liore des Morts.
2. Non seulement la tête était remplie de bitume, mais l'extérieur du crâne était imprégné de matières
DES ORIGINES DE LA MOMIFICATION
claires, ne heurtant jamais un fait précis, pourra jeter quelque jour même sur une ques-
tion historique. Chemin faisant, d'ailleurs, elle se vérifiera par des textes, qui s'imposent,
eux aussi, avec la brutalité de faits, en attendant une vérification par des preuves d'un
autre ordre.
Entre les trois modes de sépultures, constatés par M. Wiedemann, y a-t-il l'op-
osition radicale qu'il suppose? Y a-t-il incompatibilité absolue entre eux et l'usage
classique de la momification?
Je m'efforcerai d'établir que non.
Sans doute, je n'aurai point démontré qu'une seule et même race ait passé de l'un
à l'autre usage. Mais, en prouvant la possibilité de la filiation, j'aurai frayé la voie à
des hypothèses plus simples, plus conciliatrices, plus vraisemblables, que celles aux-
quelles il faudrait avoir recours en partant du principe opposé pour expliquer les mêmes
faits et reconstituer l'histoire des origines de l'Egypte. Je n'aurai point, toutefois, pré-
jugé la solution et laisserai à des découvertes ultérieures le soin de trancher la question si,
en réalité, divers peuples ont concouru sur le sol égyptien à l'évolution d'une même idée.
11 est admis que tout rite observé dans les sépultures révèle, avec un certain respect
pour la personnalité disparue, la croyance à l'immortalité de quelque principe distinct
du corps. Mais les divers modes d'inhumation dénotent en outre la conviction que, après
la mort physiologique, la survivance de ce principe, quel qu'il soit, dépendait de la
conservation du corps qu'il avait animé pendant la vie.
Ces croyances inspirèrent également tous les genres de sépulture dans l'Egypte
archaïque.
On couche sur le flanc au fond d'une fosse le mort replié sur lui-même : veut-on,
par cette attitude semblable à celle du fœtus, marquer l'espoir d'une renaissance future?
Peut-être : des modernes le conjecturent1. Mais n'est-ce point avant tout pour que les
restes du mort, occupant le moins d'espace possible, soient le mieux à l'abri contre toute
profanation soit par les humains, soit par les animaux de proie? En tout cas, de l'inhu-
mation appert un évident désir de préservation. Est-ce k dire que l'on se fasse illusion
sur le sort réservé au cadavre? Du moins essaye-t-on ou bien de prolonger l'usage que
fait du corps l'âme ou de quelque nom qu'on appelle ce qui survit de la personne hu-
maine, ou bien de faciliter une reprise de possession ultérieure pour un usage nouveau.
Mais voici d'autres cadavres. Ils n'ont pas été ensevelis intacts. Avant d'être confiés
à la tombe, les membres ont été tranchés, dépecés, décharnés; les chairs, au lieu de se
consumer Lentement sur les os, ont été violemment enlevées et détruites; les os n'oc-
cupent plus leur place respective. Faut-il en inférer qu'une autre race ou une autre
génération soit venue, moins respectueuse de la mort, moins convaincue de la nécessité
du support matériel de la personne. Mais alors pourquoi enfermer dans la tombe
toujours le même mobilier funéraire? pourquoi laisser encore subsister les ossements?
pourquoi même, dans certains cas, appliquer en quelque endroit de ce cadavre2, dont
1. Wiedemann, op. cit., p. 211, s'appuyant, dans la note 4, sur le symbolisme de la vignette du cha-
pitre xxv au Liore des Morts.
2. Non seulement la tête était remplie de bitume, mais l'extérieur du crâne était imprégné de matières