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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 9.1861

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Nr. 6
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Mantz, Paul: Exposition de Lyon
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https://doi.org/10.11588/diglit.17225#0332

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EXPOSITION DE LYON. 323

cette grande peinture parut pour la première fois au Louvre, il y a seize
ans, elle ne fut pas universellement comprise. L'impression serait tout
autre aujourd'hui. Nous sommes maintenant assez bien informés des
belles choses, pour admirer à sa valeur cette composition qui, pour être
un peu en dehors des traditions consacrées, n'en est pas moins frappante
par l'austérité de son agencement et de son coloris, la science du groupe,
et la saveur historique de l'ensemble. Il faudra le faire graver un jour, ce
beau tableau où Marc-Aurèle, étendu sur le lit où il va mourir, confie à la sa-
gesse des stoïciens, ses amis, la jeunesse folle de son fils Commode. Debout
auprès de la couche de l'empereur expirant, le futur césar, splendide-
ment vêtu d'un habit de fête, écoute avec une distraction ennuyée les exhor-
tations de son père ; le discours paraît long à son impatience, car de
joyeux convives l'attendent au festin commencé, et son attitude alanguie,
sa pose voluptueusement nonchalante disent bien qu'il ne tirera pas grand
profit des recommandations paternelles. Autour de lui cependant tout est
sombre et grave : ce n'est pas seulement un empereur qui s'éteint, c'est
aussi un philosophe : il est visible que quelque chose de grand va finir.
Le caractère que M. Delacroix a prêté à ses personnages, et surtout la colo-
ration générale de l'ensemble, expriment admirablement cette situation
morale. Ceux-là même qui ne connaissent pas le sujet que l'artiste a re-
présenté devinent qu'entre ces hommes réunis autour d'un mourant il
se passe je ne sais quoi de mystérieux et d'auguste. Au point de vue pu-
rement pittoresque, l'œuvre présente quelques défectuosités fâcheuses.
Les draperies qui servent de vêtements aux stoïciens ne sont pas d'un très-
grand goût; le torse, à demi nu, de Marc-Aurèle, est çà et là arbitraire-
ment modelé; les carnations accusent quelque mollesse de pinceau ; mais,
à part ces fautes, Fexécution est des plus belles. Les types font songer
aces libres interprétations de l'antique, que M. Delacroix, jeune encore,
a lithographiées d'après des médailles ou des bas-reliefs; graves, un peu
farouches, ils portent le sceau de la virilité romaine ; malgré les tons d'un
rose égayé qui colorent la robe de Commode, l'ensemble s'enveloppe
d'une harmonie mélancolique; et tout, dans cette page que Paris a trop
oubliée, respire cette unité puissante, qui est la qualité première des œu-
vres véritablement fortes.

Il est à peine besoin de dire que les autres tableaux réunis à l'ex-
position de Lyon occupent dans l'art un rang bien inférieur. Toutefois,
dans l'énumération, malheureusement bien courte, des peintres qui
savent peindre, il nous faut tenir compte de M. Courbet. Tant que la fer-
meté du pinceau et la sûreté de la pratique seront appréciées en France,
on tiendra en quelque çstime le Chevreuil, qui paraît être l'étude origi-
 
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