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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 17.1864

DOI issue:
Nr. 3
DOI article:
Blanc, Charles: Grammaire des arts du dessin, [2], Sculpture, 8-9
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https://doi.org/10.11588/diglit.18740#0220

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GRAMMAIRE DES ARTS DU DESSIN.

211

Les artistes que possède tout entiers le génie moderne se plaignent
quelquefois de ce qu’ils appellent la froideur de la sculpture antique. Ils
voudraient surtout déranger, remuer les lignes de la tête, souffler plus
de vie aux traits du visage, percer le regard et peindre l’œil à coups de
ciseau, comme l’a fait Houdon, par exemple, dans sa frémissante statue
de Voltaire, comme le font maintenant la plupart de nos sculpteurs,
jaloux des accents pittoresques... Ah! c’est bien mal comprendre la gran-
deur de l’art statuaire. Il est vrai, ce qui est en peinture la source des
expressions les plus vives et les plus variées, je veux dire la couleur et
l’animation de l’œil, n’est en sculpture qu’une beauté; mais c’est une beauté
susceptible de se nuancer encore très-finement, et qui peut à sa manière
devenir aussi touchante dans la gravité du marbre, que la mobilité de
l’œil est expressive dans la vie. Sans doute, l’invisible fluide de l’âme
qui, traversant l’humidité du regard, nous peint si vite la pensée de
l’homme, ses secrets, ses sentiments, ses songes, ne saurait animer les
yeux des statues qui sont comme des fenêtres ouvertes et voilées. En son
intimité individuelle et sa profondeur, la signification de l’œil demeure
donc étrangère à la sculpture ; mais en revanche, combien elle est im-
posante, cette fixité de contemplation qui annonce un génife absorbé en
lui-même, désormais élevé au-dessus du monde environnant, et inac-
cessible aux impressions des choses qui passent! Combien il est émou-
vant aussi le langage silencieux de ces yeux sans prunelle, qui ne sont
plus vivants parce qu’ils appartiennent à des immortels!... Divinités im-
mobiles, quand le poète vous rencontre au détour des allées sombres,
dans la solitude des grands jardins, sous l’encadrement de la verdure,
vous lui apparaissez comme les fantômes bienveillants d’une autre vie,
comme les ombres des héros errants à travers les Élysées que rêva la
poésié' antique. Dans vos yeux de marbre qui ne réfléchissent plus ni la
lumière ni la couleur, il croit lire les conseils de la sagesse, le dédain de
nos passions agitées, et il retrouve tout à coup la paix intérieure dans
l’impression que fait sur lui la sérénité pensive de vos regards!

CHARLES BLANC.
 
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