GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
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à remplir les trois demi-coupoles des absides. Dans celle du centre, le
Christ est debout, bénissant d’une main, de l’autre tenant le globe du
monde ; à sa droite est la sainte Vierge, qui conduit vers lui sainte Blan-
dine, reconnaissable au lis, symbole de sa virginité, et aux fers, témoins
de son esclavage, et sainte Clotilde, qui presse la croix sur sa poitrine; à
sa gauche, l’archange saint Michel, portant le glaive et la bannière céleste,
précède le premier apôtre de Lyon, saint Pothin, qui s’avance en chance-
lant, penché sur son bâton pastoral, et derrière lui le grand apôtre des
Gaules, saint Martin, agenouillé. Les deux absides latérales sont déco-
rées avec la même sobriété : dans celle de droite, on voit saint Benoît
assis sur son siège abbatial, et à ses pieds deux jeunes moines qui vouent
à sa règle leur communauté primitivement placée sous l’invocation de
saint Martin; dans celle de gauche, saint Badulfe, les bras levés vers le
ciel, appelant la bénédiction divine sur l’abbaye d’Ainay, dont on recon-
naît l’image placée près de lui, tandis que du côté opposé on voit s’écrouler
le temple païen sur les ruines duquel l’église chrétienne a été bâtie.
Le style austère de ces figures, l’extrême simplicité de la composi-
tion, ou elles sont rapprochées mais non liées par une action com-
mune, font penser aux mosaïques byzantines dont l’aspect grandiose
avait souvent rempli l’artiste d’admiration durant son séjour en Italie,
ou encore aux peintures des catacombes qui conservent tant de puissance
dans leur apparent dénûment. Flandrin n’a eu garde toutefois de repro-
duire des unes ou des autres l’enfantine gaucherie, les formes roides et
dures, l’aspect parfois sauvage. Pourtant, s’il eût été un de ces auteurs
nés copistes dont parle La Bruyère, quelle meilleure occasion pouvait-il
rencontrer de faire à peu de frais de l’art naïf et primitif? Nulle part
l’emprunt n’eût paru mieux motivé; on sait bien qu’il n’eût pas manqué
d’admirateurs, s’il s’était fait pauvre pour paraître simple. Mais non : en
consultant les œuvres de l’enfance de l’art chrétien, comme ailleurs celles
de sa forte jeunesse, il n’a point renoncé à l’invention personnelle; il n’a
rien abandonné de lui-même , ni des ressources dont dispose l’artiste
moderne, formé à l’étude des meilleurs modèles de l’antiquité et de la
renaissance ; il n’a point enchaîné sa liberté ; il a pu se souvenir sans rien
prendre en réalité. Ce qui l’avait surtout frappé dans les peintures des cata-
combes, c’est la persistance du principe antique, à qui un mouvement,
une attitude, un contour suffit pour tout dire, et qui n’a pas eu besoin
d’autre chose pour se trouver prêt, à la décadence de l’art païen, à expri-
mer des idées nouvelles; dans les mosaïques, c’est le caractère surhu-
main de ces grandes et rigides figures immobiles sur leurs fonds d’or, et
semblables à des apparitions au milieu du ciel entr’ouvert; et ce qu’il a
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à remplir les trois demi-coupoles des absides. Dans celle du centre, le
Christ est debout, bénissant d’une main, de l’autre tenant le globe du
monde ; à sa droite est la sainte Vierge, qui conduit vers lui sainte Blan-
dine, reconnaissable au lis, symbole de sa virginité, et aux fers, témoins
de son esclavage, et sainte Clotilde, qui presse la croix sur sa poitrine; à
sa gauche, l’archange saint Michel, portant le glaive et la bannière céleste,
précède le premier apôtre de Lyon, saint Pothin, qui s’avance en chance-
lant, penché sur son bâton pastoral, et derrière lui le grand apôtre des
Gaules, saint Martin, agenouillé. Les deux absides latérales sont déco-
rées avec la même sobriété : dans celle de droite, on voit saint Benoît
assis sur son siège abbatial, et à ses pieds deux jeunes moines qui vouent
à sa règle leur communauté primitivement placée sous l’invocation de
saint Martin; dans celle de gauche, saint Badulfe, les bras levés vers le
ciel, appelant la bénédiction divine sur l’abbaye d’Ainay, dont on recon-
naît l’image placée près de lui, tandis que du côté opposé on voit s’écrouler
le temple païen sur les ruines duquel l’église chrétienne a été bâtie.
Le style austère de ces figures, l’extrême simplicité de la composi-
tion, ou elles sont rapprochées mais non liées par une action com-
mune, font penser aux mosaïques byzantines dont l’aspect grandiose
avait souvent rempli l’artiste d’admiration durant son séjour en Italie,
ou encore aux peintures des catacombes qui conservent tant de puissance
dans leur apparent dénûment. Flandrin n’a eu garde toutefois de repro-
duire des unes ou des autres l’enfantine gaucherie, les formes roides et
dures, l’aspect parfois sauvage. Pourtant, s’il eût été un de ces auteurs
nés copistes dont parle La Bruyère, quelle meilleure occasion pouvait-il
rencontrer de faire à peu de frais de l’art naïf et primitif? Nulle part
l’emprunt n’eût paru mieux motivé; on sait bien qu’il n’eût pas manqué
d’admirateurs, s’il s’était fait pauvre pour paraître simple. Mais non : en
consultant les œuvres de l’enfance de l’art chrétien, comme ailleurs celles
de sa forte jeunesse, il n’a point renoncé à l’invention personnelle; il n’a
rien abandonné de lui-même , ni des ressources dont dispose l’artiste
moderne, formé à l’étude des meilleurs modèles de l’antiquité et de la
renaissance ; il n’a point enchaîné sa liberté ; il a pu se souvenir sans rien
prendre en réalité. Ce qui l’avait surtout frappé dans les peintures des cata-
combes, c’est la persistance du principe antique, à qui un mouvement,
une attitude, un contour suffit pour tout dire, et qui n’a pas eu besoin
d’autre chose pour se trouver prêt, à la décadence de l’art païen, à expri-
mer des idées nouvelles; dans les mosaïques, c’est le caractère surhu-
main de ces grandes et rigides figures immobiles sur leurs fonds d’or, et
semblables à des apparitions au milieu du ciel entr’ouvert; et ce qu’il a