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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 17.1864

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Nr. 3
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Blanc, Charles: Sur l'institution du nouveau Grand Prix
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https://doi.org/10.11588/diglit.18740#0279

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DU NOUVEAU GRAND PRIX.

269

qui les jugera ne les juge en vertu de ses préférences nationales, de ses
idées françaises, de ses préjugés même, pour tout dire. Au contraire, si
la France devait concourir avec les autres peuples, qu’arriverait-il? La
seule présence du génie étranger tiendrait en respect ceux de nos pein-
tres qui seraient portés à sacrifier aux goûts du public et à chercher le
succès du moment. Prenons un exemple dans l’histoire contemporaine,
en nous reportant à quelque distance du temps présent, et supposons
qu’un concours universel eût été ouvert il y a vingt-cinq ou trente ans.
M. Ingres, selon toute apparence, y aurait envoyé XApothéose d'Homère;
Eugène Delacroix, le Massacre de Scio ; Horace Vernet, la Smala; Paul
Delaroche, son Cromwell; Ary Schelfer, sa Marguerite à l’église... Il est
clair qu’au milieu des préoccupations de l’esprit moderne, au milieu des
idées et des sentiments dont le souffle passait alors sur la France, M. Ingres
se serait trouvé complètement isolé. Il aurait paru savant, mais étrange,
mais archaïque et suranné peut-être. L’on peut bien croire que le courant
des opinions du jour aurait entraîné les juges à satisfaire les passions
dominantes, et que XApothéose d’Homère eût été vouée au maximum du
succès d’estime. Supposez maintenant que les étrangers soient admis au
concours, les choses vont aussitôt changer d’aspect. Viennent Cornélius,
Schnor, Overbeck et les autres ; en renouvelant l’atmosphère, leur pré-
sence va fortifier M. Ingres; il n’est plus seul, il n’est plus bizarre. Le jury
n’est plus dominé, opprimé par les sympathies locales. La question
s’élargit et, de française qu’elle était, devient cosmopolite. Plus éclairée,
plus impartiale, la décision des juges prévoit l’avenir; elle assure le
triomphe du style. Voilà comment il nous paraît que l’école française ne
perdrait rien à se mesurer avec les artistes de l’Europe et du monde
entier, et qu’elle y gagnerait au contraire de s’élever à l’expression des
plus hautes vérités de Part. Puisque d’ailleurs les peuples ne sauraient
se comprendre en parlant chacun leur langue, on aurait tous les cinq ans
une solennelle occasion de leur faire entendre cette langue, la seule
universelle, que forment les images de la peinture et de la statuaire,
cette langue des poésies muettes dont la signification touche à certains
moments la multitude, même celle des pauvres et des illettrés. Nul doute
qu’on exhausserait de cette manière le niveau de l’éducation générale, et
qu’on habituerait les nations à se réunir peu à peu, par cette guerre
des intelligences, dans une fraternité pacifique.

Mais, laissant là nos désirs, disons que le nouveau prix de cent mille
francs, tel que l’instituent les termes du décret, sous le titre de « Grand
prix de l’Empereur, » marquera dans l’histoire de notre école et qu’il en
sortira non-seulement de l’honneur pour le surintendant qui l’a proposé,
 
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