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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
cToffrandes autour d’un tombeau; mais, considérés sous le rapport de
l’art, ils n’ont pas de rivaux. Sur un grand nombre de vases du meil-
leur style et du plus précieux travail on peut reconnaître les traces
de l’emploi de patrons, pour réserver les figures qui devaient se déta-
cher, dans le ton rouge de la terre cuite, sur le fond uniformément
revêtu d’un vernis noir; mais la nature de la décoration des lécythus
athéniens exclut d’une manière absolue toute idée de l’emploi de sem-
blables procédés. Sur un fond blanc, préparé à la céruse, l’artiste a des-
siné ses figures par un simple trait à main levée, du dessin le plus pur
et de la plus suave élégance, exécuté avec une hardiesse et une sûreté
que nous avons peine à comprendre, sans une hésitation ni un re-
pentir. Il n’y a rien de plus que ce trait au noir de fumée ou à l’ocre
rouge, et c’est à peine si quelquefois une coloration légère relève les dra-
peries. C’est là proprement cette ligne que les peintres anciens cher-
chaient avec tant d’amour et dont ils considéraient la science et l’habi-
tude comme le premier fondement de leur art; c’est cette ligne dont le
tracé, d’après une anecdote plus célèbre peut-être qu’authentique, fit
reconnaître, par son exquise perfection, à Parrhasius la main de Zeuxis,
dans le dessin qu’en visitant son atelier sans le trouver ce maître de la
peinture avait tracé, comme une signature, sur un panneau encore
vierge de tout travail. Les compositions au trait des lécythus athéniens
peuvent être mises en parallèle avec les dessins des plus grands maîtres
de l’art moderne sans avoir à craindre le rapprochement, et cependant
Aristophane, dans un passage déjà bien des fois cité, range les peintres
de lécythus, non parmi les artistes, mais parmi les manœuvres. Quelle
était donc la diffusion du sentiment de l’art dans l’Athènes des beaux
temps, puisque de simples barbouilleurs y exécutaient de pareilles œu-
vres et les donnaient à vil prix 1 !
Mais le roi des vases de la galerie Pourtalès, à tous les points de vue,
est une amphore découverte en 1801 dans un tombeau de Nola (n° 21 A) et
rapportée en France par M. Durand, qui était alors employé dans le com-
missariat de l’armée d’Italie. Nous en donnons le dessin. M. Pourtalès
l’acquit au prix de 10,000 francs en 1815, la veille de l’entrée des alliés
à Paris ; les vases peints étaient alors fort à la mode et les amateurs fai-
'1. Dans un autre passage, également cité bien des fois, Aristophane dit qu'un beau
lécyllius, c’est-à-dire sans doute un de ceux dont nous parlons, se payait une obole.
C’est, en poids, 4 5 centimes de notre monnaie; en tenant compte du pouvoir de l’ar-
gent à l’époque du grand poëte comique athénien, cette somme représente une valeur
de '1 fr. 32 centimes.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
cToffrandes autour d’un tombeau; mais, considérés sous le rapport de
l’art, ils n’ont pas de rivaux. Sur un grand nombre de vases du meil-
leur style et du plus précieux travail on peut reconnaître les traces
de l’emploi de patrons, pour réserver les figures qui devaient se déta-
cher, dans le ton rouge de la terre cuite, sur le fond uniformément
revêtu d’un vernis noir; mais la nature de la décoration des lécythus
athéniens exclut d’une manière absolue toute idée de l’emploi de sem-
blables procédés. Sur un fond blanc, préparé à la céruse, l’artiste a des-
siné ses figures par un simple trait à main levée, du dessin le plus pur
et de la plus suave élégance, exécuté avec une hardiesse et une sûreté
que nous avons peine à comprendre, sans une hésitation ni un re-
pentir. Il n’y a rien de plus que ce trait au noir de fumée ou à l’ocre
rouge, et c’est à peine si quelquefois une coloration légère relève les dra-
peries. C’est là proprement cette ligne que les peintres anciens cher-
chaient avec tant d’amour et dont ils considéraient la science et l’habi-
tude comme le premier fondement de leur art; c’est cette ligne dont le
tracé, d’après une anecdote plus célèbre peut-être qu’authentique, fit
reconnaître, par son exquise perfection, à Parrhasius la main de Zeuxis,
dans le dessin qu’en visitant son atelier sans le trouver ce maître de la
peinture avait tracé, comme une signature, sur un panneau encore
vierge de tout travail. Les compositions au trait des lécythus athéniens
peuvent être mises en parallèle avec les dessins des plus grands maîtres
de l’art moderne sans avoir à craindre le rapprochement, et cependant
Aristophane, dans un passage déjà bien des fois cité, range les peintres
de lécythus, non parmi les artistes, mais parmi les manœuvres. Quelle
était donc la diffusion du sentiment de l’art dans l’Athènes des beaux
temps, puisque de simples barbouilleurs y exécutaient de pareilles œu-
vres et les donnaient à vil prix 1 !
Mais le roi des vases de la galerie Pourtalès, à tous les points de vue,
est une amphore découverte en 1801 dans un tombeau de Nola (n° 21 A) et
rapportée en France par M. Durand, qui était alors employé dans le com-
missariat de l’armée d’Italie. Nous en donnons le dessin. M. Pourtalès
l’acquit au prix de 10,000 francs en 1815, la veille de l’entrée des alliés
à Paris ; les vases peints étaient alors fort à la mode et les amateurs fai-
'1. Dans un autre passage, également cité bien des fois, Aristophane dit qu'un beau
lécyllius, c’est-à-dire sans doute un de ceux dont nous parlons, se payait une obole.
C’est, en poids, 4 5 centimes de notre monnaie; en tenant compte du pouvoir de l’ar-
gent à l’époque du grand poëte comique athénien, cette somme représente une valeur
de '1 fr. 32 centimes.