DOMENIGO CÀMPÂGNOLA.
553
« Personne n’a encore mieux saisi la manière de dessiner le paysage
du Titien que le Campagnole. 11 était son contemporain, et il a, ainsi que
ce grand peintre, un maniement de plume tout à fait expressif; son
feuillé est léger et de bon goût; ses lointains sont merveilleux pour leur
richesse. Ces deux peintres ont pris leurs modèles dans les montagnes
du Frioul ; mais le Campagnole n’a pas encore toute l’intelligence du
Titien, sa touche est plus égale, et les devants de ses paysages sont ordi-
nairement pauvres. Il n’est cependant rien de si ordinaire que de voir
d’excellens connaisseurs prendre le change sur les dessins de ce maître,
en les attribuant au Titien; et c’est assurément le plus grand éloge
qu’on en puisse faire. Les dessins de Campagnole qui composent cette
collection sont des plus beaux qu’on connaisse de ce maître. Il s’y en
trouve de deux manières, fort dissemblables; les uns sont d’une plume
sèche et égale, et tiennent de la manière de dessiner du Giorgion; les
autres sont dans le grand style du Titien. On ne peut pas douter que les
uns et les autres soient de Campagnole, et il a même eu le soin de mettre
son nom aux premiers. Serait-ce qu’il y aurait eu deux maîtres de ce
même nom ; ou le même maître aurait-il ainsi varié de manière ? »
Pour traduire ses pensées, Campagnola a su trouver des procédés
personnels, en harmonie avec son talent. Sa taille est colorée, brillante
et vive jusqu’à l’affectation. Elle flamboie dans les corps nus qu’elle dé-
charné trop, pour faire preuve de science, elle court sur les terrains
quelle transforme en torrents, elle sillonne les deux où elle change les
nuages en flammes; mais, ces réserves faites, nous devons reconnaître
quelle 'rend à merveille le mouvement et la couleur, qualités voulues,
avant toutes autres, par ce romantique du seizième siècle.
• ÉMILE G AL IC IIO N .
XVII.
70
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« Personne n’a encore mieux saisi la manière de dessiner le paysage
du Titien que le Campagnole. 11 était son contemporain, et il a, ainsi que
ce grand peintre, un maniement de plume tout à fait expressif; son
feuillé est léger et de bon goût; ses lointains sont merveilleux pour leur
richesse. Ces deux peintres ont pris leurs modèles dans les montagnes
du Frioul ; mais le Campagnole n’a pas encore toute l’intelligence du
Titien, sa touche est plus égale, et les devants de ses paysages sont ordi-
nairement pauvres. Il n’est cependant rien de si ordinaire que de voir
d’excellens connaisseurs prendre le change sur les dessins de ce maître,
en les attribuant au Titien; et c’est assurément le plus grand éloge
qu’on en puisse faire. Les dessins de Campagnole qui composent cette
collection sont des plus beaux qu’on connaisse de ce maître. Il s’y en
trouve de deux manières, fort dissemblables; les uns sont d’une plume
sèche et égale, et tiennent de la manière de dessiner du Giorgion; les
autres sont dans le grand style du Titien. On ne peut pas douter que les
uns et les autres soient de Campagnole, et il a même eu le soin de mettre
son nom aux premiers. Serait-ce qu’il y aurait eu deux maîtres de ce
même nom ; ou le même maître aurait-il ainsi varié de manière ? »
Pour traduire ses pensées, Campagnola a su trouver des procédés
personnels, en harmonie avec son talent. Sa taille est colorée, brillante
et vive jusqu’à l’affectation. Elle flamboie dans les corps nus qu’elle dé-
charné trop, pour faire preuve de science, elle court sur les terrains
quelle transforme en torrents, elle sillonne les deux où elle change les
nuages en flammes; mais, ces réserves faites, nous devons reconnaître
quelle 'rend à merveille le mouvement et la couleur, qualités voulues,
avant toutes autres, par ce romantique du seizième siècle.
• ÉMILE G AL IC IIO N .
XVII.
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