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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
M. A. F. Didot fonde son opinion sur la différence d’éclat des canons et
des miniatures, ce qui peut provenir de ce que deux enlumineurs inégale-
ment coloristes ont exécuté, l’un les simples ornements, l’autre les sujets.
Mais le caractère de l’écriture est le même sur toutes les pages, qu’elles
soient décorées de sujets ou peintes en pourpre, ou simplement con-
sacrées au texte ; les lettres initiales sont formées de vigoureux rinceaux
à feuilles à peine épanouies, exécutées en or bordé de rouge, suivant l’habi-
tude du xie siècle. 11 nous est impossible enfin de reconnaître les diffé-
rences que signale M. A. F. Didot. Ce manuscrit appartient à l’art rhé-
nan par le peu de coloration de ses miniatures, qui présentent cette
particularité d’avoir été exécutées sur des feuilles de vélin peintes au
revers d’un dessin courant représentant des lions affrontés ou des
monstres circonscrits par des anneaux circulaires; vélin impérial peut-
être, et envoyé de Constantinople ainsi préparé.
C’est un siècle après, environ, que doit avoir été exécuté un psautier
qui provient de l’abbaye d’Ottemburen, en Souabe. Après le calendrier
vient le frontispice formé par un crucifix qui représente le T initial du
Te igitur, de chaque côté duquel sont placés deux abbés : S. Rvopertvs
auras et Isingrinvs arbas, portant tous deux un tau comme celui d’ivoire
que nous avons vu en nature dans la collection de M. Basilewski.
Or Rupertus, qui n’est saint que pour les moines d’Ottemburen, mou-
rut en 1145 et eut pour successeur Isingrinus qui restaura le monastère,
probablement après l’incendie qui le dévasta en 1152, orna l’église et
augmenta la bibliothèque. Le manuscrit que possède M. A. Firmin Didot
est une épave de cette bibliothèque et un témoignage du fait relaté dans
les Annales ordinis Sancti Benedicli (t. VI, p. 397).
Ce manuscrit, dont les nombreuses miniatures pâles sont faites quel-
que peu de pratique, tracées en noir et couchées de teintes plates avec
quelques touches de bistre pour marquer les ombres, offre encore, au
xiie siècle, de nombreuses marques d’influence carolingienne. Il est sur-
tout remarquable par la qualité de ses « argents », qui ont conservé
toute la fraîcheur du premier jour, tandis que d’ordinaire ils ont tourné
au noir dans les manuscrits de cette époque.
Un Flavius Josèphe, qui provient de l’abbaye de Saint-Tron (Lim-
bourg), à ce que l’on suppose d’après la copie d’une bulle du pape Alexan-
dre III (1159—1181) inscrite sur l’une des gardes, est à peu près daté
par cette pièce, d’une écriture un peu postérieure au reste du manuscrit.
La seule miniature qu’il possède est un frontispice formé des initiales
I. N., d'inilium, combinées avec une foule de médaillons représentant la
création, les fleuves du paradis, les prophètes, etc., dans une bordure
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
M. A. F. Didot fonde son opinion sur la différence d’éclat des canons et
des miniatures, ce qui peut provenir de ce que deux enlumineurs inégale-
ment coloristes ont exécuté, l’un les simples ornements, l’autre les sujets.
Mais le caractère de l’écriture est le même sur toutes les pages, qu’elles
soient décorées de sujets ou peintes en pourpre, ou simplement con-
sacrées au texte ; les lettres initiales sont formées de vigoureux rinceaux
à feuilles à peine épanouies, exécutées en or bordé de rouge, suivant l’habi-
tude du xie siècle. 11 nous est impossible enfin de reconnaître les diffé-
rences que signale M. A. F. Didot. Ce manuscrit appartient à l’art rhé-
nan par le peu de coloration de ses miniatures, qui présentent cette
particularité d’avoir été exécutées sur des feuilles de vélin peintes au
revers d’un dessin courant représentant des lions affrontés ou des
monstres circonscrits par des anneaux circulaires; vélin impérial peut-
être, et envoyé de Constantinople ainsi préparé.
C’est un siècle après, environ, que doit avoir été exécuté un psautier
qui provient de l’abbaye d’Ottemburen, en Souabe. Après le calendrier
vient le frontispice formé par un crucifix qui représente le T initial du
Te igitur, de chaque côté duquel sont placés deux abbés : S. Rvopertvs
auras et Isingrinvs arbas, portant tous deux un tau comme celui d’ivoire
que nous avons vu en nature dans la collection de M. Basilewski.
Or Rupertus, qui n’est saint que pour les moines d’Ottemburen, mou-
rut en 1145 et eut pour successeur Isingrinus qui restaura le monastère,
probablement après l’incendie qui le dévasta en 1152, orna l’église et
augmenta la bibliothèque. Le manuscrit que possède M. A. Firmin Didot
est une épave de cette bibliothèque et un témoignage du fait relaté dans
les Annales ordinis Sancti Benedicli (t. VI, p. 397).
Ce manuscrit, dont les nombreuses miniatures pâles sont faites quel-
que peu de pratique, tracées en noir et couchées de teintes plates avec
quelques touches de bistre pour marquer les ombres, offre encore, au
xiie siècle, de nombreuses marques d’influence carolingienne. Il est sur-
tout remarquable par la qualité de ses « argents », qui ont conservé
toute la fraîcheur du premier jour, tandis que d’ordinaire ils ont tourné
au noir dans les manuscrits de cette époque.
Un Flavius Josèphe, qui provient de l’abbaye de Saint-Tron (Lim-
bourg), à ce que l’on suppose d’après la copie d’une bulle du pape Alexan-
dre III (1159—1181) inscrite sur l’une des gardes, est à peu près daté
par cette pièce, d’une écriture un peu postérieure au reste du manuscrit.
La seule miniature qu’il possède est un frontispice formé des initiales
I. N., d'inilium, combinées avec une foule de médaillons représentant la
création, les fleuves du paradis, les prophètes, etc., dans une bordure