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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 20.1866

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Nr. 1
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Lagrange, Léon: Bulletin Mensuel: Décembre 1865
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https://doi.org/10.11588/diglit.19277#0101

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BULLETIN MENSUEL.

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toitures. Le fameux vers de Boileau sur les festons et les astragales est dépassé de cent
coudées. Ici l’ornement s’étale en haut-relief, là en simple gravure, ailleurs en ciselure,
et partout, au lieu d’être, comme au moyen âge, le jet spontané d’une verve exubé-
rante, il reproduit mécaniquement un surmoulage donné. Allez à Saint-Augustin, vous
y verrez des séries de chérubins tournés tous du même coté. Allez au Palais de Justice,
vous y retrouverez douze fois répétée la même tête de Junon. Il n’y a plus là ni art ni
artiste. 11 y a une consigne, et un manœuvre qui la suit.

L’abus du décor est la marque fatale de certaines époques. Les Espagnols, qui ont
connu ce style boursouflé, ont un mot pour le désigner : plateresco ; comme l’on dirait
une architecture d’orfèvrerie. Si l’on voulait caractériser l'architecture moderne, il
faudrait dire : une ébénisterie de pierre. Les monuments semblent se modeler sur les
meubles. Les saillies rasées, afin de ménager la place; les angles émoussés, de peur
d’accrocher les robes; les moulures obtuses; des appliques sans épaisseur, des décou-
pures à l’emporte-pièce, des sculptures de rapport, des consoles, des patères, des têtes
de clous, — je ne parle pas des chevilles, — n'est-ce pas ce que Ton nous donne? Et
qu’en résulte-t-il? On a comparé les théâtres du Châtelet à deux malles oubliées sur les
bords de la Seine. Le Tribunal du commerce, qui leur fait face, est une boîte à ouvrage
surmontée d’une pelote. La façade de Saint-Augustin conviendrait à un bahut. Des
coffres, des commodes, des boites de toutes dimensions, sans parler des aquarium,
tout un mobilier de pierre, qui fera de Paris le bazar le plus encombré de l’Europe.

En d'autres termes, dans les monuments qu’on nous prodigue, et jusque dans les
constructions privées, l’architecture semble se résigner à un rôle secondaire. Comme les
Vénus de notre temps, elle supplée à la beauté de race par des grâces d’emprunt, à
l’être par le paraître. Comme les formes de la femme, les membres de l’architecture dis-
paraissent sous un appareil de toilette opulent. En vain elle se farde d’enluminures,
derrière ce masque on voit l’art dépérir, rongé par la lèpre du décor.

Si le nom du Luxembourg vient ici au bout de ma plume, ce n’est pas pour parler des
pierres que Ton veut jeter dans son jardin, c’est pour annoncer la réouverture du musée
de « l’école moderne de France, » puisque telle est la dénomination officielle. Les der-
niers remaniements lui ont donné une physionomie toute nouvelle. Un certain nombre
de tableaux ont disparu; un plus grand nombre ont été introduits : en sorte que le ca-
talogue, qui s’arrêtait à 240 numéros, en compte aujourd’hui 306. L’exclusion porte
d’abord sur les maîtres décédés, mais plus encore sur les artistes tombés au-dessous de
leur réputation ou représentés par plusieurs ouvrages. Les nouveaux venus sont tous
ceux dont les œuvres ont été acquises aux Salons de 1864 et 1865, en y ajoutant quel-
ques noms effacés du dernier catalogue et réintégrés sur celui-ci, et de plus un petit
nombre d'acquisitions ou de dons récents. Dans cette catégorie figure un magnifique
tableau de Trovon, une de ces pages d’un sentiment puissant, où les animaux et le
paysage, traités avec une égale largeur, se fondent en une merveilleuse harmonie. En
somme, le dernier remaniement, conduit avec une intention d’équité bien visible, s est
proposé de représenter dignement au musée du Luxembourg 1 école française actuelle,
sans la séparer toutefois de ses maîtres immédiats et incontestés récemment frappés par
la mort. Au surplus, je me propose de dresser un tableau complet des divers change-
ments opérés, et ce tableau, publié dans la Chronique, donnera une idée exacte de ce
qu’est aujourd’hui le musée du Luxembourg.

En même temps a paru un nouveau catalogue, comprenant toutes les richesses du
musée, sauf le tableau de Trovon. En tète se trouve un document très-important : c’est
 
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