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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 20.1866

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Nr. 2
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Blanc, Charles: Francisque Duret
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https://doi.org/10.11588/diglit.19277#0104

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98

GAZETTE DES BEAUX-AlU'S.

Nous avons sous les yeux tous les papiers laissés par cet éminent
sculpteur, et c’est une chose touchante que de les lire. Pas un mot ne
s’y trouve qui ne se rapporte à un sentiment honnête ou à l’amour le
plus élevé des belles choses. Les lettres de lui, dont il reste des brouil-
lons, sont toujours pour recommander au ministre, au préfet de la Seine,
au surintendant des beaux-arts, un artiste malheureux et oublié, ou quel-
qu’un de ces jeunes gens fiers et pauvres qui, malgré une sympathie
passagère, meurent obscurément en route et souvent même avant le
départ. Sa correspondance témoigne des plus honorables, des plus illus-
tres amitiés et, avant tout, de l’estime qu’il méritait par ses qualités
personnelles. Ses manuscrits sont tous relatifs à la sculplure. Ce sont
des extraits d'Homère, de Sophocle, de Platon, d’Euripide, de Quintus de
Smyrne, d’Ovide, de Virgile. On y reconnaît un homme qui se nourrissait
continuellement de lectures héroïques, soit pour y puiser des motifs de
composition, soit pour maintenir son esprit dans les hautes sphères.
Parmi ces papiers qui sont la plus intime révélation d’un caractère, et la
plus sûre, il n’en est aucun qui trahisse une autre ambition que celle de
bien faire ou de faire le bien.

Plusieurs fdis, l’on s’était adressé à Duret pour obtenir de lui des
documents biographiques ; mais il répugnait à les fournir, éprouvant un
embarras extrême à parler de ses ouvrages. Les notes qu’on lui arra-
chait, à force de prières, étaient d’une concision désespérante. Elles se
réduisent à ces quelques lignes :

« Je fus élève de Bosio et de Guérin, peintre. J’étais fort jeune quand
« je perdis mon père et je ne songeais guère à faire de la sculpture. Je
« remportai le grand prix de Rome avant l’âge de dix-huit ans. Mon
« prix est un bas-relief représentant la Douleur d’Evandre sur le corps
« de son fils Dallas. J’arrivai en Italie en 1824. J’envoyai de Rome une
« tête d’expression et une statue en marbre de Mercure inventant la
« lyre, qui fut exposée au Salon de 1831, et obtint la médaille d’or.
« Deux ans après, je fus décoré pour le Danseur napolitain, figure en
« bronze. J’ai fait en 1836 un Improvisateur bachique, souvenir de
« Naples qui eut une mention... » Voilà tout ce que Duret a jamais
écrit touchant sa vie et ses œuvres, et sur un tel sujet il n’était pas
moins avare de paroles que d’écriture. Il me souvient d’en avoir fait
plusieurs fois l’épreuve quand je voulais l’amener à parler de lui.

Au surplus, Duret fut un de ces artistes privilégiés qui n’ont pas de
biographie. II n’avait rien à raconter qu’il n’eût exprimé en marbre ou
coulé en bronze. Sa vie privée s’est passée calme, unie et heureuse. Cent
et cent fois je l’ai vu, et jamais il ne m’a parlé que de son art et de ces
 
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