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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 20.1866

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Legrange, Léon: Bulletin mensuel: Janvier 1866
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https://doi.org/10.11588/diglit.19277#0199

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BULLETIN MENSUEL.

191

qu'on la regarde, on perd de vue le personnage principal. Comme tous les auteurs de
monographies, M. Stirling appuie avec complaisance sur les moindres détails relatifs à
son héros. Félix culpa, heureux défaut , heureuse abondance ; tant d’autres se con-
tentent de l à peu près! Ici les notes de M. Biirger achèvent de combler le sujet. Les
lecteurs du Velâzquez ne peuvent se plaindre qu’on ne leur ait pas fait bonne mesure.

La même librairie a publié en même temps un traité de 11. J. I). Régnier, que je
dois me borner à citer; car, pour en parler avec quelque développement1, il faudrait
descendre dans un détail technique presque infini. JL Régnier, pénétré d’une vive
admiration pour les œuvres des anciens maîtres, et persuadé que leur éclat, leur har-
monie, si bien respectés par le temps, tiennent à la perfection des moyens employés, a
voulu comprendre le comment et le pourquoi de ces œuvres. Il a analysé avec la
patience d’un chimiste cette mince couche de pâte qui, sous le pinceau d’un Corrége,
d’un Raphaël, d'un Giorgione, d’un Titien, d’un Véronèse, devient le miroir de la
beaulé, la page confidente des pensées les plus hautes et des plus doux sentiments : il
a fait l’anatomie de la couleur, il a disséqué la lumière. Laissant à d’autres l’étude du
génie des maîtres, il étudie l'expression matérielle de leur génie, et de cette étude il
tire des principes féconds, des règles sûres, des procédés uliles. Ce traité s’adresse
surtout aux peintres. Ils y trouveront de précieux renseignements, ils y surprendront
les secrets de la palette et de la brosse. Or, si de tels secrets ne suffisent pas pour faire
un maître, ils peuvent rectifier de mauvaises habitudes et frayer la voie à une bonne
exécution.

La preuve n’est pas loin. Allez au boulevard des Italiens, vous y verrez ce que
produisent la connaissance et l’application des procédés des maîtres. L’exposition ou-
verte par M. Gonaz, sous ce titre : Le Brésil ou la nature des Tropiques, semble
devoir intéresser surtout les naturalistes. Que nous font les bromélias, la sapotille, le
tatou-méri, le dindé, le jack et Tabacaxis? Fleurs ou fruits, peu nous importe que la
nature les ait jetés dans tel moule ou peints de telles couleurs. Mais lorsqu’un artiste,
empruntant à la nature ces modèles exotiques, les interprète avec un sentiment qui lui
est propre, l’œuvre d’art apparaît et l’exécution absout le modèle. L’exécution de
JI. Gonaz est celle d’un homme nourri aux meilleures traditions de la peinture an-
cienne. Je ne sais si la peinture moderne, avec ses procédés nouveaux, je ne sais si le
pinceau hardi de M. Philippe Rousseau, de M. Monginot, etc., n’arriveraient pas à
m’intéresser aux mêmes sujets dans une mesure égale. Ils trouveraient peut-être des
effets que M. Gonaz n’a point soupçonnés. A coup sur M. Gonaz m’intéresse, il m’atta-
che et me retient devant ses riches études, où la touche la plus savante des Flamands et
des Hollandais s’allie à un sentiment de la réalité tout espagnol. Son grand tableau qui
réunit les fruits les plus importants des régions tropicales fait penser à la fois à Velâzquez
et à David de Heem, tant il est nourri de vérité locale, tant l’effet coloré est largement
conçu, tant l’exécution, par des finesses habilement ménagées, atteint un résultat har-
monieux et brillant! Tout près se trouve un portrait de tortue d’une puissance de ton
qu’Eugène Delacroix eut applaudie. Ah ! si nous étions un peuple artiste ! Si, pour em-
bellir nos édifices publics, nous savions ne pas nous adresser à des décorateurs de pa-
cotille, quelle place d’honneur on ferait aux études de M. Gonaz dans les galeries de
botanique du Muséum ! A côté des herbiers desséchés, à côté des bocaux asphyxiants, 1

1. De la lumière eide la couleur chez les grands maîtres anciens, démontré et développé par J. D. Ré-
gnier. Paris, Renouard, 1865.
 
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