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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 20.1866

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Nr. 3
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Lagrange, Léon: Pierre Puget, [5]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19277#0268

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258

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

pas souscrire à l’opinion royale. — « Il est vrai, disait-il, que le marbre
d’Andromède est plus beau, mais la figure du Milon est plus achevée. »

Il nous semble qu’en adoptant l’opinion de Puget, consacrée par
le temps et par le jugement public, la critique doit s’appuyer sur d’autres
motifs que la beauté du marbre ou la perfection du travail. La princesse
Andromède exposée aux fureurs d’un monstre dont le beau Persée la
délivre, c’était un sujet de galanterie plus à la portée des raffinés de la
cour que l’agonie du Milon et des Cariatides. Mais quel triste galant que
ce philosophe de province ! Dans les sentiers du Tendre, il marche en
dépaysé. Il n’a pas daigné faire sourire Andromède, et le jeune prince,
fds de Jupiter et de Danaé, reste insensible comme un Caton au contact
des chaii’s pâmées de sa maîtresse. Il n’exprime que l’ivresse du triomphe,
la satisfaction d’avoir obtenu de sa vigueur ce qu’il en désirait; l’or-
gueil de dénouer les chaînes liées au rocher l'emporte chez lui sur le
plaisir de conquérir la princesse. Celle-ci, à son tour, n’a que la fatigue
du supplice, elle ne voit pas son libérateur; elle pâme, rien de plus.
J’aperçois bien auprès d’elle un amour, et, selon le docte Bougerel, la
présence de l’amour « fait assez connoître que la passion fut le motif de
cette entreprise. » Mais cet amour aussi, loin de sourire, semble pleurer.
Au lieu d’une tragédie racinienne, Puget a donc fait de l’Andromède un
drame héroïque, où domine, non pas l’amour, mais le sentiment d’un
horrible trépas conjuré par la vaillance.

On peut dire à la louange de ce groupe que la forme y est plus con-
tenue, plus distinguée. L’élan du héros, qui tend et gonfle ses muscles,
s’arrête à une limite que Y Hercule gaulois a dépassée, et que le Milon
même ne respecte pas en toutes ses parties. Le corps d’Andromède est
beau; les jambes surtout, nerveuses et pleines, gardent une élégance
exquise; seul, le petit amour montre une cuisse dont les peaux semblent
battre sur une chair absente. Mais sa tête et son dos sont deux morceaux
admirables. En somme, le goût se trouve mieux satisfait de XAndro-
mède que d’autres œuvres du même artiste. À part les draperies vo-
lantes, dont le jet exagéré ajoute à la composition, déjà surchargée de
détails, une emphase inutile, je n’y suis guère choqué que de ce masque
de Méduse qui tire la langue : laide et sotte grimace, impuissante à tuer
un monstre, mais bonne pour prêter à rire. Quant à l’exécution, plus
adroite et plus savante que jamais, elle conserve dans ses délicatesses
une remarquable virilité.

Je ne quitterai pas Y Andromède sans une dernière remarque. C’est
la seule ligure de femme nue sortie du ciseau de Puget. Lui qui jus-
qu’alors s’était plu à cacher la femme sous les voiles pudiques de la
 
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