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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 20.1866

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Nr. 3
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Lagrange, Léon: Pierre Puget, [5]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19277#0267

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PIERRE PUGET.

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au Havre, et l’intendant de la marine saluait à grand renfort de canons,
de bombes et de mousquets, l’œuvre plus que médiocre de l’artiste
italien, tandis qu’il laissait passer sans tambour ni trompette l’œuvre à
coup sûr supérieure de l’artiste français. Un smak hollandais reçut alors
les marbres et les remonta sur la Seine jusqu’à Paris, où ils arrivèrent le
9 mars. Mais pendant qu’on débattait si la statue équestre de Louis XIV
serait placée à Paris ou à Versailles, Y Andromède prit les devants.
François Puget, dépêché par son père dans ce but, put la débarquer et
la conduire à Versailles, où ilia présenta au roi. Le 25 mai, Louvois
adressait à l’artiste une lettfe dont Bougerel nous a conservé le texte :

Le Roi a vu votre Andromède dont Sa Majesté a été très-satisfaite. Elle a ordonné
qu’elle vous seroit passée sur le pied de quinze mille livres. S. M. aura bien agréable
que vous travailliez le plus diligemment qu’il vous sera possible à un autre grouppe
dont le Roi vous laisse le choix, vous recommandant qu’il soit à peu près des mêmes
proportions que celui du Milon.

Malgré la satisfaction du roi et le haut prix auquel il tarifait Y An-
dromède, Bougerel nous apprend que quelques critiques osèrent se faire
jour. On trouvait la figure d’Andromède trop petite et Persée un peu
vieux pour un jeune héros. Tournefort, lors de son passage à Marseille,
communiqua à Puget ces observations. Le grand artiste rejeta d’abord
la faute sur son élève Veirier, qui avait un peu trop raccourci la figure
d’Andromède en l’ébauchant. Mais il ajouta qu’après tout elle avait les
mêmes proportions que la Vénus de Médicis. « Quant à Persée, dit-il
en riant, le coton qu’il a sur les joues marque plutôt sa grande' jeunesse
que son âge avancé. » Puis, comme on insistait encore sur la taille de
l’Andromède, il répliqua qu’elle était aussi grande que la plus grande
dame de la cour.

Cette curieuse conversation, rapportée par Tournefort et Bougerel,
atteste que Puget, en artiste de race, avait l’épiderme sensible à la cri-
tique. Mais, à vrai dire, la critique portait juste, et l’artiste se payait de
défaites. Peu importe qu’Andromède reproduise exactement les propor-
tions de la nature, si Persée les dépasse. Ou l’une est trop petite, ou
l’autre est trop grand. De même, le coton des joues du héros peut bien
appartenir à l’adolescence, mais l’ensemble de ses traits appartient cer-
tainement à la maturité. C’est que Puget n’était plus le juvénile auteur
du Saint Sébastien. Il s’entendait mieux à exprimer la souffrance d’un
athlète brutal que la jeunesse d’un héros amoureux. Néanmoins,
Louis XIV, à qui ne déplaisaient pas les femmes, petites ou grandes, dé-
clara qu’il préférait Y Andromède au Milon. Puget eut la bonne foi de ne

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