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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 20.1866

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Nr. 3
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Burty, Philippe: La Sainte Bible: éditée par la Maison Mame de Tours
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https://doi.org/10.11588/diglit.19277#0291

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280

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

cette scène du Déluge, que M. Doré a un jour répétée en peinture, et que
couronne une tigresse tenant son petit dans sa gueule; tel autre, à la
page suivante, où le Déluge est exprimé par des milliers de personnages
se cramponnant les uns aux autres, formant des grappes monstrueuses
comme dans l’iiiver les abeilles d’un essaim dans la ruche. Est-ce à nous
d’y contredire et de secouer les rêveurs par la manche ?

Au reste, ne perdons point de vue qu’en nous livrant cette belle édi-
tion de la Sainte Bible, la maison Alfred Marne a voulu donner une parure
nouvelle à un livre sur lequel l’humanité a tant rêvé depuis tant de
siècles. Que l’on se place au point de vue du croyant ou à celui du
philosophe, la Bible reste toujours un cadre merveilleux pour le poète
et pour le peintre. Si les traductions littérales qui ont été faites de
l’Ancien Testament, par M. Cahen, sortaient du cercle des lettrés qui s’en
disputent les rares premiers exemplaires, je ne sais que la poésie grecque
qui pourrait par la suave eurhythmie de sa forme soutenir la comparaison
avec cette terrible rivale.. En sortant de la lettre qui tue pour écouter
l’esprit qui vivifie, la science y lit confusément les annales du monde.
Nul livre, depuis les Védas, n’a mieux conservé l’obscure tradition des
premiers cataclysmes. Le groupe hébraïque s’y montre d’une sauvagerie
qui effraye par sa majesté hautaine. Nul'peuple n’a mieux résumé l’idée
de l’essence divine, et n’a eu plus de foi dans ses destinées. Chaque
génération chrétienne a donc le droit et en quelque sorte le devoir de
venir esquisser à sa façon, sur sa marge millénaire, les tableaux que les
poètes hébreux, que les législateurs, que les rois, que les historiens,
que les prophètes y ont indiqués par des masses d’une suavité ou d’un
grandiose qui ne sera pas dépassé. De la Genèse au cantique de. Salomon,
du livre des Rois aux récits des Apôtres, des grondements du chaos au
roucoulement de la Sulamite, de la flamme des villes forcées aux prédi-
cations sur le bord du lac, quelle suite inépuisable de tableaux pour les
esprits fougueux ou les âmes rêveuses! Chaque époque, chaque nation,
ont traduit la Bible à leur guise : les Byzantins avec une roideur hiérati-
que; lesltaliens en s’agenouillant avant de prendre le pinceau, et plus tard
en la teignant de paganisme; les Espagnols avec leur férocité native; les
Hollandais et les Flamands en en faisant le livre des faibles et des déshé-
rités; les Français avec une pointe de philosophie. Enfin le Temple est
si grand et si orné, qu’il faut applaudir même à ceux qui, de nos jours,
se sont bornés à nous livrer un rapide croquis de l’extérieur, faute
de s’être donné le temps de pénétrer dans ses sanctuaires mystérieux ou
dans ses jardins embaumés.

PHILIPPE BURTY.
 
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