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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 20.1866

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Nr. 4
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Burty, Philippe: Jean Fouquet: le Livre d'heures de maistre Estienne Chevalier
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https://doi.org/10.11588/diglit.19277#0407

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JEAN FOUQUET.

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L’éditeur du Livre d’Heures d'Anne de Bretagne et des Évangiles. M. Curmer,
vient d’entreprendre, à son point de vue particulier, une réhabilitation de Jehan
Fouquet. C’est la chromolithographie qu’il appelle comme avocat en face du souverain
juge, le Public. J1 a réuni les pages du livre d ' Es tienne Chevalier dispersées aux
quatre coins de l’Europe. Il nous les rend, sinon avec cette rigueur absolue de répéti-
tion que l’essence même du chef-d’œuvre ne peut comporter, mais avec un soin digne
d’intéresser les délicats, avec un bonheur de réussite relative qui étonne, avec une
persistance que ne rebute aucun obstacle. Grâce h ses soins, le nom de Jean Fouquet
va revivre, et cette familiarité avec le maître de l’École de Tours éveillera dans l’esprit,
de la foule des idées plus respectueuses que celles qu’elle attachait jusqu’à ce jour à
l’art de la miniature dans les manuscrits.

Maistre Estienne Chevalier, qui paraît avoir été un dos Mécènes les plus sérieux de
Jehan Fouquet, fut successivement notaire et secrétaire du roi, maître des comptes,
trésorier de France, ambassadeur et contrôleur des finances sous Charles Vil et Louis XI.
Il ne paraît pas non plus avoir été l’ennemi des belles personnes, car il fut l’un des
trois exécuteurs testamentaires d’Agnès Sorel. En demandant à Jean Fouquet ce livre
somptueux dans lequel il est représenté au naturel, et où ses initiales et son nom sont
semés à profusion, obéissait-il à une admiration naïve et sincère pour le talent du por-
traitiste et enlumineur tourangeau ? Était-il décidé secrètement par cette mystérieuse
intuition de l’avenir qui pousse parfois la Richesse à se faire immortaliser par le Génie?
Nous l'ignorons; mais son portrait, que SL Curmer a fait reproduire et dont nous par-
lerons plus loin, donne l’idée d’un esprit intelligent et réfléchi. Le livre fut d’ailleurs
vraisemblablement exécuté vers 1460 *, dans la période la plus décidée du talent du
maître, après son retour d’Ilalie, où il avait peint, à Rome, le portrait d’Eugène IV,
qui avait excité la curiosité même des liaiiens et devait plus tard être cité avec éloges
par Vasari. Ce livre dut absorber plusieurs années du travail de Fouquet. Gagnières et
Mont.faucon le parcoururent et le mentionnent. Vers le commencement du xvnr siècle,
« le style gothique » n’inspirant plus aux esprits sublimes qu'un légitime mépris, ces
Heures où l’art français du xvc siècle vivait dans sa saveur un peu amère, dans sa
robuste naïveté, dans son respect pour les côtés fins et contenus de la réalité, ces
Heures ne furent pas seulement arrachées page par page de leur reliure, elles furent
ajustées au goût du jour : pour les rajeunir, leur nouvel et indigne propriétaire fit sub-
stituer des fleurons ineptes aux miniatures ou aux caractères d’écriture primitifs dans
les médaillons ou cartels qui prennent place au-dessous des scènes.

Aujourdhui,de ce livre qui probablement renfermait les Heures desOffices de la Vierge
et les Évangiles des quatre fêtes, M. Louis Brenlano, de Francfort-sur-le-Mein, possède
quarante feuillets; M.Feuillet de Conches et lady Spingle un quarante et unième et un
quarante-deuxième. La belle miniature qui est dans la riche bibliothèque de M. A. Fir-
min Didot paraît avoir été enlevée d’un autre livre. Mais nous avons la conviction que
la publication de M. L. Curmer aidera à en retrouver d’autres qui sont classées, faute
de points de comparaison, parmi les anonymes, dans des bibliothèques et des cabinets
de la province et de l’étranger.

Chez les amateurs que nous venons de citer, M. L. Curmer a pu faire librement
photographier les originaux. L’on comprend sans peine de quel secours est en pareil
cas cette admirable et inoffensive invention de la photographie. L'artiste qui trace le

1. Jean Fouquet, ni à Tours vers 1420, est. mort vers 1485; mais ces dates sont peu certaines.
 
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