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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 20.1866

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Nr. 4
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Lagrange, Léon: Bulletin mensuel: Mars 1866
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https://doi.org/10.11588/diglit.19277#0411

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BULLETIN MENSUEL.

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vous le docte Poussin, un délaissé de notre temps. Au contraire, les Vaches s'abreu-
vant de Troyon vous donnent envie de chausser les sabots pour parcourir les herbages
de cette belle vallée de la Touque, moins connue de ses habitants que de nous, tant le
peintre nous y a promenés, toujours ravis et jamais las.

Decamps n’était pas si bien représenté que de coutume au Cercle de l’Union artis-
tique. Certes, j’admire ses Pouilleux, aquarelle énergique, du réalisme le plus riche.
Mais les petites réductions de l’histoire de Samson ne me. paraissent présenter qu’un
intérêt de curiosité. Quant aux tableaux, le Diogène et le Frère Quêteur méritent à
peine de compter dans l’œuvre de Decamps. La vente Albert nous a gâtés. J’aurais
voulu revoir à la rue de Choiseul et les Arabes en voyage, une des rares peintures qui
appartiennent à la manière la plus serrée, la plus savante du maître, et cette grande
esquisse, les Enfants effrayés par une chienne, digne d’être peinte sur une muraille.
On l’aurait placée à côté du grand Tigre de Delacroix, une de ces productions du
génie, où la simplicité des moyens arrive sans effort au résultat le plus étonnant. Neuf
autres cadres composent l’exposition de Delacroix. La plupart reproduisent des sujets
empruntés au Maroc. Les Musiciens marocains sont un des meilleurs. Et toutefois je
leur préfère le Turc mort, petite toile contemporaine des guerres de l’indépendance
grecque, c’est-à-dire de la jeunesse du maître. Sa palette avait alors tout le brillant et
la légèreté des fleurs printanières, elle ne connaissait pas les tons fatigués que le succès
mêle à la gloire.

On ignorerait presque M. Ricard, si l’on s’en tenait aux expositions annuelles. Depuis
longtemps, M. Ricard n’expose plus. Ses portraits, peints avec le culte des vieux
maîtres, sembleraient dépaysés au milieu de tant d’œuvres banales et vénales. Le demi-
jour lui convient mieux qu’à tout autre, et permet d’apprécier tout ce qu’il y a d’ex-
quises finesses dans ce pinceau timide et parfois hésitant. La Zingara, la Petite jillc
au chat, le portrait d’enfant, suffiraient à classer M. Ricard parmi les coloristes les
moins suspects de notre temps, et la petite toile intitulée Nature morte montre ce
qu’un vrai coloriste peut faire avec deux vessies et un flacon.

M. Jalabert est aussi un de ces artistes qui semblent fuir le bruit et que le bruit va
trouver plus souvent peut-être qu’ils ne voudraient. L’élégance aristocratique de son
talent le prédestine à peindre les gentlemen de noble race et les femmes reines par la
beauté. Est-il juste de lui en faire un crime? Quelque modèle que lui offrent les circon-
stances, M. Jalabert en rehausse la distinction par le goût épuré de son dessin, et par
une couleur où la légèreté n’exclut pas complètement la force. On a déjà vu ailleurs, si
je ne me trompe, la délicate fantaisie qui représente, sous un riche costume historique,
la belle M“' de P.... Le grand portrait de Mlle X, aussi sérieux au fond que charmant,
pourrait valoir à son auteur le titre de peintre officiel de sainte Mousseline.

Dans les dimensions réduites du portrait de genre il y a au Cercle celui de M. de
Castelnau en hussard, par M. Pils, enlevé avec un brio tout militaire, et ceux de M. le
duc de M..., par M. Boulanger, et de Mme la baronne Nathaniel de Rotschild, par
M. Gérome. Rien de mieux étudié et de mieux rendu que les accessoires de ces deux
derniers. Pourquoi faut-il qu’en ces sortes de tableaux le personnage semble s’effacer
au milieu des détails de l’ameublement et du costume? La Vue de Pæstum, de M. Gé-
rome, peinte en 1851, remet devant nos yeux les qualités exquises qu’il possédait déjà
il y a quinze ans. Mais là encore, ce sont les être vivants, les buffles, qui paraissent
inertes, et c’est l’architecture qui paraît vivante par la fermeté du dessin et le charme
de la lumière.
 
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