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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 21.1866

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Nr. 5
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Lagrange, Léon: Pierre Puget, [8]
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https://doi.org/10.11588/diglit.19278#0472

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456

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

vertu, la piété, la crainte de Dieu, j’insiste de nouveau sur ce point, et
ce n’est pas dans un intérêt de secte : au dix-septième siècle on n’est pas
embarrassé pour trouver de grands esprits chrétiens. Mais c’est qu’en
vérité, sans cette haute vertu chrétienne, la moitié du caractère de Puget
reste inexplicable. D’une part, il est tout orgueil, tout passion, tout
colère; d’autre part, il est tout obéissance et tout soumission. Jamais,
ni à l’arsenal de Toulon, ni dans l’affaire de la statue équestre, la vio-
lence ne le pousse jusqu’à la révolte. Après s’être bien débattu, il s’arrête.
11 accepte la volonté du roi. Sans doute il conservera un petit regain de
rancune, il continuera à réclamer pour ses intérêts lésés : l’homme per-
siste, mais le chrétien s’avoue vaincu et se résigne à sa défaite.. Ce n’est
pas la disgrâce souriante de Fénelon. C’est, comme dans la tempête de
Tibériade, l’apaisement tumultueux des Ilots sous la main du maître.

Ce qu’une nature aussi contradictoire dut souffrir, on le devine.
Puget souffrit toujours, il souffrit partout, et jamais il ne souffrit
sans crier. Chose bizarre! Un autre sculpteur, un homme de notre
temps, Simart, nous a montré le même spectacle d’une âme d’artiste
dévorée par le travail latent de la douleur. Mais Simart souffrait en mé-
lancolique, Puget en rageur. Simart luttait contre le tempérament de
son génie, Puget ouvrait la porte au sien. Simart s’abreuvait de ses
larmes au milieu d’une gloire combattue par d’affreux malheurs domes-
tiques. Puget avait la gloire et il avait le bonheur. Il s’était fait de ses
propres mains une existence riche, enviée, libre et dominante, et il souf-
frait. On ne peut méconnaître le fait. Seulement, au lieu de l'attribuer
aux circonstances ou aux influences extérieures, il ne faut l’attribuer
qu’à lui-même. Les grandes natures défient l’action des milieux.

En ce sens, il y a entre la nature de Puget et son génie une étroite
connexité. Ses œuvres ne disent pas sa vie, mais elles disent son âme.
La plupart des biographes s’y sont trompés. Us ont accusé Louis XIV, ils
ont crié à la misère, ils ont torturé l’histoire pour voir dans Puget un
écho des désastres du temps. Erreur! Puget est l’éclio de lui-même. On
peut le définir d’un mot : un génie plein de soi.

Rappelons-nous qu’il est né sur les bords de la mer. La mer donne à
ses riverains quelque chose d’elle-même, la Méditerranée surtout. Bien
différente de l’Océan, dont on sent toujours la fougue, la Méditerranée
dort le plus souvent au soleil, et sa surface polie sert de miroir au ciel
bleu. Vienne un souffle de mistral, une colère subite trouble l’azur de la
mer sans troubler l’azur du ciel, gonfle les flots, hérisse la surface de
petites vagues mutines. En quelques heures le lac est devenu plus impra-
ticable que l’Océan. Dans toutes les natures méridionales il y a du mis-
 
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