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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 10.1874

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Nr. 2
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Mantz, Paul: Exposition en faveur de l'œuvre des Alsaciens et Lorrains, [1]: peinture
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https://doi.org/10.11588/diglit.21839#0119

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112

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

bon qui paraît d’assez bonne école. On a déjà beaucoup bu, et l’un
des convives fait mine de monter sur la table pour porter un toast ou
ébaucher un refrain qu’il n’achèvera pas. C’est un excellent Lancret, un
peu froid cependant, parce que les figures sont de dimension exception-
nelle et parce que le peintre n’était pas accoutumé à travailler pour le
roi. Lancret avait besoin de liberté : plus intime, il est plus fort. Nous
regardons comme une de ses meilleures peintures le Joueur de basse
exposé par M. Burat. C’est un portrait dans un paysage. La coloration
en est vigoureuse et fine. On voit ici de quoi Lancret était capable lors-
que, renonçant à ses types habituels, à ses visages en chiffon, à ses
petits nez taillés par le caprice, il était en face de la nature. Portraitiste,
Lancret est presque appliqué et sincère : il a su, dans le Joueur de basse,
reproduire avec esprit une physionomie spirituelle.

Aux murailles dorées des petits appartements du roi, le Déjeuner de
jambon, de Lancret, avait un pendant, le Déjeuner d'huîtres, de Jean-
François de Troy. Ce Déjeuner est encore plus amusant que le premier.
Ici on festoie dans la salle d’un palais, et l’on ne monte pas sur la table.
Les valets s’empressent autour des invités et — détail curieux pour
l’histoire des mœurs françaises, — le parquet est jonché d’écailles
d’huîtres, la notion de la propreté étant encore très-confuse chez les gens
de bonne maison qui déjeunaient gaiement vers 1735. On voit là de
charmants costumes, et les gentilshommes attablés ont d’élégantes désin-
voltures. Combien J.-F. de Troy aurait une réputation meilleure, si au
lieu de peindre des Jason d’opéra, des Mardochée de carnaval, il était
entré plus souvent dans le vif des réalités contemporaines !

La plupart des Boucher réunis au palais Bourbon nous sont déjà connus.
Nous y retrouvons ceux de M. Rothan, entre autres la Peinture, gravée
dans la Gazette, et la Femme couchée, dont la petite tête est charmante,
et qui, étant de celles qui ne demandent qu’à être adorées, paraît si
étonnée d’être seule. Le même amateur nous montre pour la première
fois un grand paysage récemment acquis et où éclatent l’inépuisable
fantaisie de Boucher et son talent de décorateur. Il y avait certainement
beaucoup de rêve dans l’âme de ce peintre d’une absurdité si séduisante.

Il a créé une nature à lui, celle du bon Dieu lui paraissant sans doute un
peu vulgaire et n’étant pas, à son gré, assez Louis XV. Il a cherché l’arbre
amusant, le nuage gai, la prairie spirituelle. D’autres privilégiés et
notamment sir Richard Wallace ont aussi des Boucher intéressants ; ceux
de ce dernier amateur sont de lumineux dessus de porte où l’on voit
des Amours nus jouant dans un ciel clair avec des divinités qui, portant
le même costume, sont comme des fleurs d’un rose pâle.
 
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