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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 10.1874

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Nr. 4
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Mantz, Paul: Exposition en faveur de l'œuvre des Alsaciens et Lorrains, 3: peinture
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https://doi.org/10.11588/diglit.21839#0314

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

pas à cetle fécondité. Les collections particulières et même les musées
sont encombrés d’IIolbein chimériques. Au palais Bourbon, nous n’en
avons véritablement reconnu qu’un seul, celui de la galerie de Mme Üuchâ-
tel, qu’on croit être le portrait de Jean Carondelet. Le personnage est-il
bien nommé? Nous avons au Louvre un Carondelet peint en 1517 par
J. de Mabuse. Les deux physionomies n’ont pas entre elles une complète
ressemblance, et, quant à la coloration des chairs, elles diffèrent d’une
étrange façon. Pour Mabuse, le chancelier de Flandre est, à quarante-huit
ans, un homme aux carnations blanchissantes et lymphatiques : IIol-
bein, qui l’aurait connu plus âgé, le montre sanguin et rubicond. Chaque
maître a sa façon de voir, et, en matière de portraits, l’idéal est peut-être
une invention satanique. Mais laissons ce point. Le Carondelet (?) de
M'ne Duchâtel est un chef-d’œuvre de précision et de vivante individua-
lité. Le regard est intense, les lèvres fermées ont l’air de garder un secret
d’Etat; tout est expressif et semble plein de pensée : ce personnage
extraordinaire peut fort bien avoir été un secrétaire de Charles-
Quint.

Mais voici, sous le nom d’Holbein, un autre portrait qui n’est guère
moins saisissant, on dirait volontiers moins tragique. Il appartient à
M. Brame, qui y voit le chancelier de Cambridge, Jean Fisher. On sait
que, pour le facétieux Henri VIII, l’idéal du mariage, c’était le divorce,
et parfois même une rupture plus définitive. Fisher, homme à préjugés,
n’admettait pas ces doctrines; il eut le tort de le laisser voir; de plus il
était catholique. Le roi lub fit couper la tête. C’était en 1535, s’il vous
plaît, c’est-à-dire que Jean Fisher avait alors quatre-vingts ans. Il est
certain qu’Holbein, dont le premier voyage à Londres est de 1526, a
connu le vieux chancelier. Puisqu’il a fait son portrait au crayon, il l’a pu
faire en peinture1. Et cependant plus nous considérons le beau portrait
exposé par M. Brame, plus il nous est difficile d’y reconnaître la main
d’Holbein. Pour la décision du caractère, la profondeur de l’expression, le
rayonnement de l’âme sur le visage, c’est lui; ce n’est plus lui pour la
générosité de la peinture et la manœuvre du pinceau. Il est vrai aussi que
ces grands maîtres, si mal connus encore, nous ménagent bien des sur-
prises et que, lorsque, les uns et les autres, nous prétendons savoir quel-
que chose de la portraiture du xvie siècle, nous prenons d’impertinentes
allures. Il nous reste beaucoup à apprendre sur Holbein et sur ses con-

1. « Nous avons deux portraits de Fisher de la main de notre maître : l’un est un
dessin à Windsor Castle, l’autre un dessin au British Muséum, tous deux de 1527.»
(Eugène Müntz; Gazelle des Beaux-Arls, 2e période, t. I, p. 428.)
 
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